Chapitre 5 : Banqueroute

Quelques heures plus tard, à la première bouche d’égout sous les murailles intérieures bontariennes, Gamesh attendait, nerveuse et impatiente. Elle sursauta lorsqu'un léger bruissement se fit entendre dans son dos, et se retourna pour voir un rat d’égoutant sortir d'un conduit à toute vitesse.

- Ce que ça peut être infect comme endroit… Tu n’avais pas moins simple mais plus agréable comme moyen d’entrer dans cette fichue cité ?

A la suite du rongeur, Seras s'extirpa du conduit, l'uniforme de la garde brakmarienne entièrement couvert d'immondices. Il délia fébrilement les multiples courroies qui le maintenaient en place, et jeta l'uniforme pestilentiel au loin.
- Entrer non, mais si tu n’y prend pas garde et continue à râler comme un porkass qu’on égorge, tu vas en ressortir en cercueil !

- Tu as tout?

Gamesh, sans un mot, lui tendit un uniforme bontarien de seconde classe.

- Enfile ça, tu cachera tes ailes sous la cape ... les simples soldats ont tous des ailes minuscules, ça n'étonnera personne qu'on ne voit pas les tiennes. J’espère que tu as aimé cette petite balade, parce que nous retournons dans les égouts. Avec toi comme compagnon, je vais éviter de me promener à découvert…

Dans la pénombre épaisse de la canalisation, Seras suivait tant bien que mal la fourrure ébène à travers le dédale de couloirs et de passages putrides. Certains corridors étaient difficiles à cerner, et il fallait éviter au maximum de perdre du temps avec de vulgaires rats et chamans d’égoutant.

Dans l'obscur et large couloir, où se faisait sentir le relent du courant et entendre les clapotis infects des nombreuses bestioles qui le peuplaient, un rayon de lune transperça soudain le plafond, écrasant le sol putride de sa froide lumière.


- C'est ici.

Seras leva un oeil gris vers la lune qui les baignait d'un faible halo.

- Ne reste pas la ! Tu as beau être habillé en soldat bontarien, peu d’entre nous s'aventurent ici... Notre simple présence pourrait paraître suspecte. La résidence de ta cible est plutôt bien gardée, aussi ai-je apporté cela...

Gamesh tendit a Seras un parchemin de camouflage.

- Voila comment je vois les choses : je vais sortir discrètement, tu me suivras à quelques pas de distance. Lorsque nous arriverons à la résidence, je m'occuperais de distraire les vigiles. Prend garde! Le parchemin de camouflage n'a pas un effet éternel, tu redeviendra visible dès le lever du soleil, assure toi d'être sorti et d'avoir regagner les égouts à ce moment là!

Seras acquiesça et gravit l'échelle de bois à la suite de Gamesh. Les rues de la cité étaient bondées de gardes. La gorge de Seras se noua sans qu'il put se contrôler. Malgré le sortilège du parchemin, il s'attendait à tout instant à être reconnu et mis en pièce. Gamesh le guidait par de petits gestes discrets de la main. Ils atteignirent sans encombre la demeure de leur cible.

- Oh! Mais que voit-je? Ne serais cette féline petite Gamesh! Tu es venu me consoler de ma solitude ma petite ecaflip?

Le soldat qui gardait l'entrée de l'imposante bâtisse apostropha sans le moindre respect celle qui lui était pourtant supérieur en grade. Par trois gestes rapides, Gamesh indiqua l'entrée la plus sure à Seras et entreprit d'occuper le garde.

La maison était étrangement vide. Apres avoir croisé tant de garde à l'extérieur, trouver un bâtiment aussi désert interloqua l'ecaflip, qui en tirant des conclusions réjouissantes. Qui pourrait croire qu'un brakmarien serait pénétré aussi loin dans la ville blanche, sans être repéré ? Il était certain que la réussite de sa mission ne ferait plus un pli.
Se repérant à l'aide des renseignements de Gamesh, Seras repéra assez rapidement la chambre du seigneur, dont la porte était grande ouverte. Son instinct de joueur pris le dessus sur la prudence, et il entra avec une joie débordante dans la pièce, obnubilé par le lit qui se trouvait en son centre. Les armoiries gravées sur le bois correspondaient, il ne lui restait qu'à planter sa dague empoisonnée dans le corps sans défense du seigneur pour jouir du contrat le plus fabuleux qui ne lui ait jamais été proposé. Faisant fi de toute prudence, Seras arracha le drap du lit et plongea le bras en avant ... pour ne toucher que du vide.


- Ainsi c'était donc vrai...

La voie provenait d'un grand homme, vieilli par les ans. Sur sa tunique se devinaient les mêmes armoiries que Seras avait vu sur le bois du lit. Sa cible le toisait avec mépris.

- Lorsque l'on m'a dit que je serai la cible d'un assassin brakmarien, j'ai rit... Lorsque l'on m'a dit qu'un de mes propres officiers le ferait entrer dans ma demeure, j'ai voulu le voir de mes propres yeux.

Aux coté de l'homme, Gamesh, pieds et poings liés, était agenouillée sur le sol, dans l'embrassure de la porte. Des soldats de Bonta se pressaient dans le couloir, et trois d'entre eux soulevèrent les rideaux qui les avait masqué aux yeux de Seras, pour venir bloquer l'accès aux différentes fenêtres.

- Vous allez avoir de nombreuses réponses à nous fournir, tous les deux !

Le cercle des gardes se refermait sur lui, les forces en présence étaient bien trop déséquilibrées, mais dagues en main, l’ecaflip s’apprêtait à faire face.

- Pas sans me battre !

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