Des affres du devoir (Apéririel 638) *

(Khyrra / Eorhlinghas)



Le soir et la pluie tombaient sur la plaine de Cania, transformant la poussière sèche qui fait tousser lorsque le vent se lève en une boue insidieuse qui salit sans qu'on ait conscience de sa présence. Ici, la boue avait rougit, l'homme la voyait de près. Peut être ce combat l'avait-il fatigué, personne ne le sait, il avait jugé bon de s'allonger sur la route. Son chariot, partie d'une caravane ravitaillant un intendant bontarien ambitieux mis au ban de la vile, avait été attaqué lâchement par cinq personnes habillées de haillons, avec à leur tête un type bizarre. Un iop avec des cheveux suffisamment longs pour qu'ils tombent sur ses épaules. Le combat avait été fatigant, et ce faisant, il s'était allongé pour se reposer, définitivement.

- Il est mort, cria le Iop.

Le Iop retira son épée des omoplates du dormeur et la rangea au fourreau. Des corps jonchaient la route battue par la pluie chaude d'un crépuscule sanglant. Le Iop s'approcha d'un jeune cra.

- Tann, tu enverras deux tofus, l'un à mon fils le remerciant de son info, l'autre à Khyrra lui demandant de venir sur le champ.


- S.. sur le champ M... maitre Behemoth ?


- Oui, le gros a parlé de quelque chose qui ne saurait être intercepté ou retardé.

Le iop rit quelque peu, ce fut un combat des plus grisants, et alla chercher de quoi se nettoyer le visage sur sa monture.

- Vruuuuuut.
- Merci Eowyn, mais tu as bien chargé aussi.

Il s'essuya le visage avec un linge propre tiré de la sacoche de la dinde, et ordonna à ses subordonnés de nettoyer le terrain et de monter le bivouac. Puis, montant en selle et s'emmitouflant dans un manteau, il attendit la venue de Khyrra.

 

 

La journée s'achevait enfin sur la cité d'Astrub. les rues se vidaient peu à peu de leur population diurne agitée et bruyante pour laisser place à la faune nocturne non moins envahissante. Pour vivre à Astrub, il fallait soit aimer son ambiance bworkesque, soit y être contraint et forcé. En l'occurrence, pour la sacrieuse penchée à la fenêtre de la grande demeure des erinyes, cela tenait plus du sacerdoce que d'un réel plaisir. Elle regardait s'envoler les deux derniers tofus messager porteurs des derniers ordres de la journée lorsqu'un autre volatil vient s'écraser avec un plof mou contre la façade, visiblement à bout de force.

D'un geste vif, Khyrra décrocha le tofu planté par le bec dans le bois du montant de la fenêtre et entreprit de décrocher le message qu'il portait à la patte. Tant bien que mal, car une boule de poil noire d'encre sauta au même moment sur le rebord pour planter ses petits crocs de chacha vorace dans le cadavre du défunt bestio. Khyrra dut secouer fortement l'ensemble pour faire lacher prise au fauve de salon et enfin récupérer son courrier.

- Mwaouu!

- Oui, deux secondes, je te le donne après, tu ne manges pas encore le papier à ce que je sache!

Elle abandonna le tofu au chacha qui partit dévorer sa proie avec délectation sous le bureau dans une explosion de plumes jaunes, et s'assit pour lire la missive aux dernières lueurs du jour.

" Note pour plus tard, envoyer les apprentis en ravitaillement de tofu, on en consomme de trop... Pas assez résistant ces bestioles, va falloir trouver mieux à long terme. Dépêcher directement des apprentis peut être? Hum non, sont déjà pas fichus de se retrouver dans la maison, alors, porter du courrier..."

Au fur et à mesure de sa lecture, ses traits se crispèrent et elle finit par froisser le parchemin avec colère. Elle ramassa son épée, jeta sa cape sur ses épaules et visa sa coiffe sur sa tête avant de se diriger vers la porte du bureau. Sur le seuil, elle siffla son chacha.

- Tu le finiras plus tard, personne ne va te le piquer et il ne risque pas de s'envoler... vu son état.

Quelques heures plus tard, une dragodinde noire rayée d'or couverte de boue rejoignait la caravane dévastée. Sans plus attendre, la sacrieuse sauta à bas de sa monture, sans plus se préoccuper de se salir encore plus qu'elle ne l'était. Sans un regard aux personnes déjà présentes sur les lieux, elle se dirigea directement vers les chariots et commença une rapide inspection. Ceci fait, elle revint vers le iop toujours emmitouflé dans sa cape.

- Ca va être difficile de faire parler un cadavre... Tu n'es pas toujours obligé de frapper d'abord, puis encore frapper et finalement frapper. Leur poser des questions ça peut aussi servir de temps en temps!

 

Oh mais je l'ai fait, entre deux coups.

Sautant de sur Eowyn, le iop atterrit sur la pointe des pieds pour éviter d'éclabousser de boue sa supérieure.

-
Il disait, et je cite : "Argh,non arrête de me frapper, enflure de mercenaire, je te dirai tout de ce que prépare le prince Ryllin, Aie, ouille, Pas le nez, fils de pute tu m'as pété le nez, le prince Ryllin monte des embuscades pour piéger les vôtres raclure. Argh, ne me tue pas. Aouch, il cherche à réunir des fanatiques de Bonta pour prendre le pouvoir"

Eorh rit de bon coeur

- Apres, il a eu la politesse de mourir. Mais le pire était ça, quelques minutes après l'attaque du convoi.

Eorh tendit une lettre à Khyrra

"Cher Maitre Erinyes,

Des sécessionnistes se groupent a nos portes, et il n'est pas bon pour nous que nous les laissions vivre. Ceci dit, il n'est pas bon d'agir officiellement contre eux.
C'est pourquoi nous vous engageons, en poursuite de ce contrat pour tuer les séparatistes, femmes, enfants, vieillards et chachas.

Chaque tête vous rapportera 7 500 kamas, sachant qu'ils sont une quarantaine, pour vingt cinq combattants.

Nous attendons de vous d'agir

Cordialement,
Rhad' Yn, Trésorier de la milice de Bonta


- Apres quelque concertation avec Theodred, espion à Bonta, il m'a dit que ne pas agir risquait d'encourager la haine des bontariens a notre encontre, et agir... serait plus aléatoire. Au final, comme le contrat est prévu pour cette nuit, c'est ton jugement qui doit décider, d'urgence.

 

- Tsss, tu es absolument irrécupérable...

Khyrra soupira et prit la lettre tendue par le iop pour la lire rapidement à la lueur d'une torche apportée par Tann, le jeune cra qu'Eorh traînait derrière lui depuis quelques temps.

- Tu en aurais laissé un en vie, nous aurions pu en savoir un peu plus. Je sais me montrer bien plus persuasive que ton épée... et après tout, j'ai bien le droit aussi de m'amuser un peu, surtout quand tu me fais traverser la moitié de la région en catastrophe.

Elle sourit en entendant le cra déglutir péniblement et bruyamment à la mention du mot "s'amuser". Sa réputation de sacrieuse n'était plus à faire, même si les gens avaient toujours un peu trop tendance à imaginer le pire d'entrée de jeu. Jusqu'à présent, Khyrra régnait sur le clan par la peur et la poigne, pas par cajolerie, et cela lui convenait tout à fait. La diplomatie courtoise n'était qu'une perte de temps à ses yeux, surtout lorsqu'il y avait moyen d'aller infiniment plus vite par quelques menaces bien senties.

Sa lecture terminée, elle partit d'un rire narquois et elle froissa le parchemin avant de le fourrer dans la main du cra.

- Et tu me fais venir pour ça?! C'est pourtant simple à régler comme affaire : nous ne travaillons pas pour les chiens de Bonta ni ceux de Brakmar. Nous ne sommes pas à vendre pour eux. J'ai assez versé de sang pour leur guerre et quoique nous fassions, cela nous retombera sur la tronche. Ils veulent s'étriper? Qu'ils le fassent sans nous. Et qu'ils règlent leurs problèmes internes comme des grands. Et puis franchement, 7500k pour tuer autant de personnes... Ils nous croient à ce point à la rue ou affamés pour nous jeter sur un contrat aussi mal payé? Ca n'est même pas ce que je me fais payer pour assassiner un malheureux voleur de rien du tout... Allons, brûles-moi ce torchon, ça ne mérite même pas que l'on y réponde...

 

- Hum... très bien. Désolé de t'avoir fait venir, mais il fallait bien que j'aie ton avis formel, avec vos conneries de machines administratives, vous, le bureaucrates, faut cinquante formulaire pour se battre.

Eor rit, pour casser le début de reproche qui naissait dans sa phrase.

-
Bon, t'as fait un long chemin, tu veux un truc a boire ?

Eor sauta de sur Eowyn vers le feu de camp, histoire d'aller chercher ce qu'il faisait bouillir : une soupe de cawotte, aromatisée au chanvre. Pendant qu'il en servait deux verres et qu'il en tendait un à Khyrra, quelque chose siffla dans l'air. Ce quelque chose était une flèche d'ébène, environ trente centimètres, avec une pointe en rutile. Elle transperça le cou du cra, le tuant sur le coup, et ce dernier s'effondra en silence. Nul n'entendit plus rien, jusqu'a ce que tous les regards se tournent vers la dépouille de Tann.

- Tann... Il est mort, une flèche en pleine gorge... qui...

Cinquante sifflements retentirent alors, et une pluie de flèches s'abattit sur le camp de fortune établi par les Erinyes. Tandis que la pluie, réelle cette fois, commençait à tomber, des formes montées grossissaient de plus en plus, à tel point que le cliquetis de leurs armures retentissait déjà.

-
Aux armes ! On nous attaque !

Cria le iop, se tournant vers Khyrra il ajouta :

-
Je suis désolé, j'aurais du prévoir...

 

- Oui tu aurais du, mais nul n’est devin.

Khyrra jeta un dernier regard au cadavre de l’apprenti cra et haussa les épaules.

- Dommage, il était bien parti pourtant pour faire un mercenaire acceptable… Il va falloir recruter à nouveau…

Ce disant, elle sifflant sa monture qui arrivant au petit trop.

- Dis donc Okury, tu pourrais te bouger un peu. Morte, tu auras du mal à réclamer à bouffer hein.

De la selle de la dinde, elle décrocha un bouclier ici du village des brigandins et l’ajusta sur son bras gauche, sans se préoccuper plus que ça des flèches qui continuaient de pleuvoir.

- Vendons chèrement notre peau, à moins que tu ne veuilles parlementer avant…

Avec un sourire sauvage, elle sortit le long sabre ayassalama de son fourreau accrocher à la dragodinde et fit quelques moulinets avec son arme favorite. Un dernier regard vers le iop et la sacrieuse enfourcha sa monture et lui fit tourner bride vers la masse des assaillants en approche.

- Je ne sais pas pour toi, mais je n’ai guère envie de me faire tuer comme un tofu à la foire du trool. Je préfère largement leur porter la bonne parole des armes et du sang directement dans les trippes. Qui m’aime me suive !

Tout en poussant un hurlement digne d’un meulou enragé, elle enfonça ses talons dans les flancs de la dinde qui bondit en avant et fonça à toute vitesse vers la bataille.

 

Au loin, dix cavaliers bardés d'armures d'argent se réunissaient en formation d'attaque. A leur tête, un jeune Ecaflip était habillé d'une armure plus légère. Il coordonnait l'attaque du commando de Bonta contre, selon ses ordres, un campement de terroristes. Il avait à sa disposition vingt cras des plus expérimentés et un groupe de cavalerie.

-
Formation de harcèlement, il faut amener Khyrra droit dans le piège.
- A vos ordres messire Ahanselm.

Les archers, ayant reçu un signal, tirèrent une pluie de flèches enflammées pour embraser le camp et forcer ses occupants survivants a en sortir. Et dans le même temps, les cavaliers se séparèrent, laissant Ahanselm seul charger face a Khyrra.

-
Bonjour Sale Bouchère ! lui dit-il, l'accueillant avec une lance tendue.

Revenons à Eor, sifflant Eowyn et sautant en selle. Il se dirige vers la charge bontarienne, faisant forcer Eowyn.

-
Khy, je ne te souhaite pas bonne chance, mais tu prends lesquels ? Gauche ou droite ?

Eorh dégaina sa griffe de Grizmine et se prépara a réceptionner une charge des plus... dévastatrices.

 

- Lesquels? Je prends le comique en premier! Commences à t'amuser avec les autres, je te rejoins dès que j'en ai fini avec celui-là!

Khyrra passa son épée dans sa main gauche et se coucha sur l'encolure de sa monture, la poussant jusqu'à sa vitesse maximale. Bien que Okury n'ait pas la puissance physique d'Eowyn, la sacrieuse comptait bien jouer sur sa vélocité et son agilité supérieur.

Tandis que la dinde fonçait droit devant elle, Khyrra resserra sa prise sur les rênes, guettant le moment précis où tout se jouerait. Alors que le duo semblait sur le point de s'empalait sur la lance brandit, elle tira brutalement sur les guides, faisant faire un écart impromptu à sa bête. Il n'y eut pas de choc, juste deux ennemis se croisant. Profitant des quelques secondes d'incompréhension de l'ecaflip et avant que l'écart ne soit trop grand entre eux deux, la sacri empoigna la hampe de la lance et profita de son élan pour l'arracher à son possesseur. Celui-ci fut déséquilibré par la manoeuvre et alla mordre la poussière pendant que sa monture continuait sur sa trajectoire.

Khyrra fit ralentir sa dragodinde et la fit volter pour revenir au petit galop vers son adversaire désormais piéton. Celui-ci, comme pris de peur devant la charge de la sacrieuse, pris la fuite en direction de ses lignes. Enfin, c'est ce que pensait Khyrra, car elle ne put voir le sourire satisfait de l'eca. Aussi se lança-t-elle à sa poursuite et usa d'un coup de hampe de lance dans les mollets pour faire chuter son ennemi, le faisant rouler sur le sol. Il n'eut pas le temps de se relever que Khyrra était de nouveau sur lui, lance pointée.

- Toi, tu ne bouges pas, on a à causer dès que je reviens! Pour le moment, j'ai un iop sur le feu.

Sur ce, elle lui planta l'arme dans l'abdomen, le cloua sur place. Sans écouter ses cris, Khyrra chercha Eorh du regard et partir à sa suite.

 

Les cavaliers se réunirent en un bloc, opérant une formation serrée. Ainsi lorsque le Iop, sur sa dinde bondissante arriva, aucun espace n'existait entre eux.

-
Vous allez payer, pour Tann, et parce que je suis en manque de sang.

Un moulinet et vingt mètres plus tard, le iop était au corps a corps, avec ce qui semblait être le leader de la formation. Il leva haut l'épée et lui fendit le crâne, mais aperçut un regard horrifié de l'homme qu'il venait d'occire. Il n'eut pas le temps de méditer cette vision que vingt lances, accompagnées de vingt hommes les brandissant, apparurent et coupèrent la charge du Iop.

- Tu es mort, traître !

De plus, de la cime des arbres, un cra banda une flèche d'ébène et tira un trait qui alla rompre l'attache de la selle de la dragodinde cabrée. Eor tomba logiquement a terre.

-
Pas encore !

Il se releva, l'épée a la main, prêt a en découdre. Revenons à Ahanselm, soi disant agonisant.

"Bon, faire semblant de ramper sur trois mètres, mais d'abord, soigner cette blessure."

Appliquant une potion, il cassa la lance et se recula de trois mètres, ses dés fétiches en main.

"Allez, reviens m'interroger, infidèle."

 

Khyrra ne pensait déjà plus à Ahanselm. Protéger ses alliés, protéger le clan, son instinct de sacrieuse prenait le dessus et la poussait à foncer dans le tas, au péril de sa propre vie. Et même si elle ne portait pas le iop dans son cœur, il n’en restait pas moins un Erinyes, et en tant que tel, elle devait le protéger.

"Naturellement, sans moi pour sauver ses fesses, il réussirait à se faire tuer cette andouille ! Mais pourquoi les iops sont-ils aussi…"

Ses réflexions furent interrompues par son arrivée au corps à corps. Lancée à pleine vitesse, Okury défonça la masse trop concentrée sur l’anéantissement d’Eorhlinghas pour la voir arriver, piétinant les soldats qui avaient le malheur de perdre pied. Khyrra profita de la confusion pour transpercer le cœur d’un agresseur de son épée, tandis que de l’autre même, elle arrachait sa misérable vie à un autre.

- Et de 2,5 pour moi ! Tu traînes Eorh, tu traînes ! Bouges-toi un peu où ils vont réussir à nous tuer ahaha !

Sans attendre de réponse, elle s’était déjà tournée vers sa prochaine victime, ferraillant avec une fausse désinvolture. Dans le feu du combat, peu lui importait la victoire tant que la situation n’était pas critique, elle s’enivrait de l’odeur du sang, des cris des blessés, de son propre rire irraisonné. Elle ne sentait plus les blessures qui striaient sa peau, au plutôt, y trouvait un plaisir qui supplantait largement la douleur des estafilades.

- Quatre ! Ils sont nuls ma parole ! On va les aider un peu !

Elle sauta à bas de sa monture et la chassa d’une tape sur la croupe. Ce qui aurait paru suicidaire à n’importe qui d’autre n’était pour elle qu’un peu de piment dans le jeu de la vie et de la mort. Au fond, rien ne lui faisait plus de joie qu’un bon combat, si possible pas trop équilibré. Le plaisir de donner et de recevoir et surtout, de lire la peur dans le regard de ses ennemis, la supplication muette avant que sa lame ne l’achève. Se battre pour elle, pour sa cause, pour un choix personnel et non pour obéir à des ordres.

En repoussant une mèche de cheveux tombant dans ses yeux, elle traça un dessin abstrait mais sanglant sur son visage rayonnant. A cet instant, elle était heureuse et elle oubliait ses soucis, sa vie misérable, ses chaînes. Elle esquiva une estocade et asséna un assaut bien pesé en pleine face de l’assaillant.

 

Eor taillait, plantait, coupait, donnait de la griffe de grizmine dans tous les coins. Bizarrement, aucun des coups n'avaient atteint une zone vitale. Eor n'eut pas le temps de se surprendre de ses propres réflexes vitaux. Son envie sanguinaire était a son maximum, si bien qu'il ne vit pas la Khyrra sanguinaire mais la Beauté Sacrieuse qui se tenait a ses cotés.

" La walkyrie à mes cotés laisse éclater sa rage. C'est magnifique. Elle tranche, et tue plus que de raison. Je sais pourquoi je vis désormais, à moi d'être a la hauteur."

A défaut d'agir comme un hippie, le Iop redoubla de violence, laminant littéralement un cavalier puis bondit en libérant en atterrissant une énorme onde de choc qui en désarçonna un second, aussitôt achevé par une lame cruelle dans la gorge. Eor frappait un troisième, brisait la lance, perforait les plaques de l'armure et tranchait l'artère coronaire.

-
Je te rattraperai Khykhy, tu peux rien faire contre la puissance Iop !

S'entourant d'une aura de puissance jaune, qui gonfla ses muscles, le Iop tenta de s'attaquer à un quatrième larron. Mais une pluie de flèches acérées vint contrarier ce projet offensif, tandis que les guerriers battaient en retraite dans une zone située derrière Ahanselm.

 

Les rangs adverses s'éclaircissaient à vue d'œil sous les coups redoublés des deux défenseurs, un peu trop rapidement à leur goût d'ailleurs. Trop rapidement également pour que cela soit honnête vis à vis d'une troupe sensée les exterminer. Un peu comme si tout cela n'était qu'une mise en jambe, plus destinée à tester et affaiblir l'opposition qu'à réellement la réduire au silence mortuaire.

Khyrra commença à ralentir le rythme, les cibles se faisaient rares et esquivaient bien plus les attaques, comme si elles cherchaient à gagner du temps. Pour la sacrieuse, c’était une bonne raison de souffler un peu… et d’enquiquiner son subordonné entre deux estocades.

- Ahahaah! Iop est une fillette qui attend que ses fidèles crèvent pour s'intéresser à eux! Pas plus de plomb dans la cervelle qu'un boufton lobotomisé!

Le sifflement aigu d’une pluie de flèche en approche l’empêcha de poursuivre plus avant dans le harcèlement morale de son compagnon et dans le découpage appliqué de soldat. Un seul regard rapide vers le ciel suffit à lui faire prendre conscience de la gravité de la situation et de son indépétrabilité.

- Les chiens ! Eorh, bouges-toi !

Instinctivement, sans plus réfléchir, elle fit ce que tout bon sacrieur fait en voyant ses compagnons en péril. Le sortilège de sacrifice auréola le iop d’une lueur sanglante une fraction de seconde avant que la pluie mortelle ne frappe. Pourtant, aucune flèche ne l’atteignit bien qu’il fut en plein sur leur trajectoire. Derrière lui, Khyrra s’effondra à terre, sans un cri, ruisselante de son sang, le corps percé de part en part.

 

Le sang coule dans la bouche d'Eor. L'aura de puissance augmente la force de frappe, certes, mais lorsqu'on a vu l'amour de sa vie se prendre des flèches qui vous étaient destinées, on va plus loin. Et on se mutile, encore et encore. Mais l'heure de verser plus de sang n'est pas encore venue. Pour l'instant, ce que Khyrra put ressentir, c'est d'être soulevée avec délicatesse du sol par un Iop.

- T'as encore morflé, les sacris ça tient pas la route... EOWYYYYYN !

Le dinde se releva, bien que chancelante, et arriva auprès du Iop.

- Porte la en lieu sur, le temps que j'en finisse avec les fils d'ouginak qui se planquent.

Eor posa délicatement Khyrra sur Eowyn en maintenant son cou bien droit. Il fouilla doucement dans le pantalon de Khyrra pour lui soutirer un sifflet.

- En espérant que ça te suffise comme justification de la présence de mes mains sur tes cuisses.

Eor souffla dans le sifflet qui émit un son clair et puissant, appelant Okury. Il sauta en selle, faisant se cabrer la monture.

- Je sais pas si tu va m'ecouter, mais fonce !

Elle fonçait, comme si le diable était a ses trousses, et son agilité serait utile dans les chemins forestiers. En jetant un regard derrière lui à Khyrra, il chargea vers la foret.

"Pour que tu n'aies pas morflé pour rien... survis, que j'aie une raison de vaincre."

 

« Hmm... Métal, non, c’est le goût du sang… Mon sang… Qu’est-ce que… Doucement ma vieille, restes calme et respires … Arhhhh ! Cette douleur… J’ai… Non, c’est trop profond pour des estafilades. Qu’est-ce que j’ai foutu ? Souviens-toi Khyrra, avant qu’il en soit trop tard… Erghh… J’ai… mal… Et pourquoi tout tangue ? Non ! Les flèches ! Khy ! Réveilles-toi ! »

Lentement, la sacrieuse ouvrit les yeux et faillit perdre l’équilibre. Elle se rattrapa de justesse à l’échine d’une dragodinde bien connue, mais qui n’était pas la sienne, une dinde qu’elle n’aurait jamais imaginer ni désirer chevaucher un jour, et ce simple geste instinctif suffit à lui arracher un cri lorsque l’empennage des flèches se prit dans l’arceau de la selle. De rage, elle arracha les flèches de sa chair, cassant simplement le fut de celles qui résistaient.

Elle s’accorda ensuite quelques instants pour remettre ses idées au clair, refouler la souffrance et prendre une décision. Elle se souvenait parfaitement désormais avoir lancer son sacrifice pour sauver le iop, avoir ressenti l’impact mais ensuite, c’était le trou noir. Elle ne voyait aucune explication au fait qu’elle ait perdu connaissance. Le peu de temps entre le lancé du sortilège et les blessures peut être… Ou tout simplement se faisait-elle trop vieille pour jouer encore à ces jeux de gamins. Mais en attendant, la dinde pourpre l’emportait bien loin du combat… et de sa vengeance. On ne s’en prenait pas à elle sans en subir les conséquences, et Khyrra était fermement décidée à leur faire payer cela très cher. Restait à faire faire demi-tour à sa monture. Saisissant les rênes à pleines mains, elle tira violemment dessus en espérant que cela suffise à décider la bestiole.

- Stop ! Stop sale bête !

C’était bien sa vaine, Eowyn semblait bien décidée à obéir à l’ordre de son maître et l’emportait loin du champ de bataille. Khyrra eut beau tirer à mort sur les rênes, la dinde ne voulut rien savoir.

« Réfléchis Khyrra, il doit bien y voir un moyen de l’amadouer… Comment le iop la récompensait-il à l’époque ? Mais oui !»

La sacrieuse se pencha sur l’encolure de la dinde et lui murmura doucement :

- Eowyn, stupide animal, si tu voulais bien m’écouter quelques instants et faire demi-tour, je te servirais un milicien bontarien fraîchement égorgé pour ton dîner. Aller, sois gentille et remmènes moi voir ton maître.

Contre toute attente, la dragodinde tourna bride sans que Khyrra ait besoin d’insister plus et repartit à toute vitesse dans la direction d’où elle venait. Décidément, elle n’avait rien oublié de la période brakmarienne d’Eorh…

« Créature débile… Heureusement que t’es pas plus intelligente que ton maître, et uniquement guidée par ton estomac… »

Malgré les secousses de la course de la dinde, la sacrieuse mit à profit les quelques minutes de trajet pour panser ses blessures à l’aide de quelques potions qu’elle trouva dans la sacoche attachée à la selle. Il lui faudrait des soins plus conséquents, mais pour l’instant, cela suffirait amplement. Ca n’était pas quelques flèches qui allaient la tuer… De retour sur place, elle ne vit nulle trace du iop, ni de sa propre monture. Par contre, son regard tomba sur sa première victime : l’ecaflip qu’elle avait empalé sur sa propre lance. Elle dirigea Eowyn vers la forme étendue au sol, la faisant s’arrêter à quelques pas et se laissa glisser à terre en grimaçant. Couverte de sang, des entailles s’ajoutant à de vieilles cicatrices, les hampes de flèches encore fichées dans sa peau, elle s’avança lentement, comptant sur la vision de cauchemar qu’elle offrait agrémentée d’un sourire mauvais pour mettre son « ami » dans les meilleures dispositions.

- Alors vieux, tes petits copains t’ont oublié ? On va pouvoir causer en tête à tête nous deux…

 

"C'est ça grognasse, fais moi ton numéro de sadique."

Revenons quelques mois en arrière. Bonta, l'académie militaire, Ahanselm sort major de promotion, en combat : corps a corps, distance, esquive, magie, rapidité, tactique, psychologie... Sa cible : Khyrra, et son entourage. Il a étudié les dossiers volés à Brakmar et au roi. Il a vécu la vie de Khyrra dans ce qu'elle a donné en public. Il arrière parfaitement les réactions d'Eorh, c'est pourquoi il a placé ce piège si subtil dans le bosquet.

-
Je... pitié, ne me faites pas de mal... Je ne sais rien.

"Vas y grognasse, fais moi dérouiller, passe tes nerfs sur moi."

Ahanselm se tenait pret. Des objets magiques dissimulés par magie, deux dagues et une épée. Et une paire de dés cachant une utilité... fulgurante. Tout cela maintenu sous un camouflage total, et pour cause, ils émettaient une odeur caractéristique pour tout écaflip qui se respectait. Dans la foret, derriere les arbres parmi lesquels eor serpentait a toute allure, une lance se tendit, empalant net le Iop.

- Khyrra a fait ça... pour rien. Je suis un naze, un raté, une lopette. Je vais crever ici...

Le silence, ce liquide chaud qui s'en va de mon corps... Tout est calme. Un idiot meurt, et khyrra doit etre en sécurité... Tout est bien... Quand soudain, une force

"Une force gigantesque sort de mes entrailles, contracte tes abdominaux, ne laisse pas le sang couler, brise la lance et releve toi. Tu as survécu a Brakmar, t'es un Iop DEBOUT !"

Il se relève, et un, deux, trois coups d'épée tuent un deux et trois cras. Un bond, et une tête roule au sol. Des flèches lui percent l'échine, ça n'a plus d'importance. Les cras qui restent, au nombre de trois plus leur chef, malgré leurs positions de tir, n'arrivent pas à terrasser le Iop. Plus de sous fifre, Eor est plein de sang...

-
Alors petit Iop, tu vas mourir, toi et ta pouffiasse de chef sacrieuse. T'imagines ce qu'on va lui faire, je me gondole déjà.


- Suicide toi, ce sera plus doux que ce que je... argh.


- Attends, t'as même plus la force de lever ton épée.


- Tu veux que j'essaie?

Eor concentre l'énergie de la deuxième chance, soit ça passe, soit ça casse définitivement. Et la cra ne voit pas la mort venir... et se retrouve étalé sur deux mètres carrés.

-
Adieu l'ami. Ce fut un plaisir...

Eor se traîna hors du bosquet, à la recherche de Okury, mais tomba à genoux, pâle comme la mort.

 

 

- Je... pitié, ne me faites pas de mal... Je ne sais rien

Khyrra avança encore de quelques pas, mais s’arrêta à un peu plus de trois mètres de son ennemi. Elle se montrait méfiante : tout dans l’attitude et la voix de l’écaflip tendait à montrer un pauvre chaton terrorisé, mais justement, il manquait quelque chose, un simple détail anodin qui aurait définitivement pu la convaincre. La peur. Ce type ne puait pas la peur alors qu’il faisait mine de n’être plus qu’une loque. Le bref intermède qui l’avait éloignait du champ de bataille avait suffit à calmer les ardeurs de la sacrieuse et c’est avec un esprit bien plus clair et moins ennivré par le combat qu’elle étudiait désormais la situation. Sa rancune n’étant pas assez forte pour la pousser à foncer tête baisser, elle agissait avec circonspection.

- Oui oui, c’est ce que l’on dit toujours… Mais j’ai massacré assez de poolay de ton espèce pour savoir qu’un bontarien a toujours des choses intéressantes à raconter. Alors, avant de te mettre à hurler et lâcher ce que je veux savoir, j’apprécierais grandement que tu me laisses quelques secondes de calme…

Sous le regard médusé de l’éca, l’Erinyes inspira profondément et ferma à demi ses yeux, ne laissant qu’un mince éclat blanc filtrer entre les mèches de cheveux masquant son visage désormais baissé, bras ballants le long de son corps meurtri. Du sang maculant ses avant-bras s’éleva une fine brume incarnate, tourbillon de particules s’agglomérant en une ombre mouvante qui gagnait en tangibilité à chaque seconde. Khyrra expira lentement, se concentrant au maximum. Détourner un sortilège de sa fonction première allait lui coûter pas mal d’énergie et dans son état, elle n’avait pas le droit à l’erreur. Il ne s’était guère passé plus d’une trentaine de secondes depuis sa dernière intervention, mais pour le temps s’était comme figé.

Mais ce ne fut qu’un court calme avant l’explosion de la tempête. La brume sanglante s’était épaissie et renforcée, englobant la sacrieuse dans une nuance de filaments agités de spasmes réguliers.

- YAAHHH !!!

Ses yeux s’ouvrirent d’un seul coup tandis que les tentacules serpentiformes d’attirance bondissaient de ses bras tendus, nés de la brume et comme portés par le cri sauvage. Mais au lieu de ramener leur victime à leur maîtresse, chacun s’enroula autour de la cible dans une étreinte inexorable, la soulevant de terre. Khyrra grimaçait sous l’effort mental que cela exigeait tandis que le sort pompait dans ses forces déjà bien entamées. Elle planta ses ongles dans ses paumes de main et laissa son sang glisser le long des tentacules. Ceux-ci semblèrent s’en nourrir et gagnèrent en matière tandis que la sacrieuse murmurait d’obscures paroles. Leur texture souple changea du tout au tout et devint plus dure et plus acérée que la meilleure lame existant dans le monde des Douze.

- J’ose espérer que tu as compris que tu n’avais aucune chance de t’ent irer vivant. Alors, soit on expédie ça rapidement et je met fin à ton existence de la façon la plus douce possible dans la situation actuelle, autrement dit, une bonne punition et on n’en parle plus, soit tu veux faire durer le plaisir et à ce petit jeu, tu te lasseras avant moi.

Pour appuyer ses dires, elle fit se resserrer d’un tour les tentacules, lacérant la fourrure de l’écaflip et entamant les chairs. Pour le coup, Ahanselm ne put s’empêcher de grimacer avant de partir d’un rire dément. Il posa son regard de félin sur la sacrieuse et cracha dans sa direction, sans l’atteindre toute fois.

- T’es pas comme dans les rap

ports. T’es bien pire que ça. Y’a que la torture et la mort qui t’intéresse dans la vie, hein, sale chienne. Et ton copain le iop doit être en train de répandre ses tripes entre les arbres de la forêt à l’heure actuelle. T’inquiètes, t’iras bientôt le rejoindre dans le royaume des cadavres bouffés par les corbacs !

- J’ai voulu être sympa, ça m’apprendra…

Avec un grognement agacé, Khyrra tira sèchement sur les filaments enserrant l’abdomen du matou. Les fibres tranchantes transpercèrent les muscles et déchirèrent les entrailles offertes. D’autres tentacules furent invoqués et se joignirent là la partie, plongeant et fouaillant dans les plaies béantes. Désormais, c’était une affaire personnelle et l’ardoise allait se régler au prix du sang. Pendant de longues minutes, Khyrra maintint son emprise, sans même poser une question, pour le simple plaisir de voir son adversaire se tordre de douleur, et perdre son arrogance et son assurance du début de leur « entretien ».

- Héhé. Héhéhéhiahahaha. Tu crois dominer ? Tu m'fais rire tu sais ! J'vais t'apprendre aujourd'hui qu'y faut pas se croire au dessus des autres. Ca par contre, c'etait écrit dans les bouquins ! Tu n'es qu'une pétasse de sacrieuse incapable d'être modeste. Tu te prends pour une reine, mais t'es qu'une bouchère avec pas plus d'honneur qu'une souillon de Brakmar. D'ailleurs, comme on dit hein, même si la chienne apprend à miauler, elle reste juste une chienne.

Ajoutant les gestes a la parole, Ahanselm se couvrit d'un sourire sarcastique; Il avait deux options : soit ça passait, et il gagnait. Soit il se ferait tuer avant même d'avoir pu bouger. Il allait gagner, il ferait tout pour. Des années d'entraînement et de discipline allaient porter leurs fruits. Ahanselm utilisa une première fois le sort de roulette pour se défaire d'une partie des filaments, repoussés par une énergie dissipatrice, libérant ses mains. La main gauche, concentrant l'énergie d'un sort de roulette aléatoire s'il en est, matérialisa le sort sacrieur totalement et l'écaflip tira violemment sur des filaments camouflés dans les herbes, amenant deux dagues acérées, camouflées par les soins des mages de Bonta. Tandis que, réunissant ses forces au grand complet, concentrant l'énergie d'un sort de roulette, matérialisa le sort sacrieur totalement et l'écaflip tira violemment sur les filaments.

- Surprise, grognasse.

Ahanselm serra avec discipline ses dagues en main, elles apparurent aussitôt, tandis que la sacrieuse arriva au contact. Deux coups de dagues fusèrent, blessant la sacrieuse à l'aisselle et au genou droit. La première ne servait qu’à briser le sort qui le maintenait prisonnier partiellement. La seconde servait a ralentir la sacrieuse. Dans le même temps, il plaça ses pattes arrières griffues sur la poitrine de la sacrieuse, se tenant à ses cheveux et, tout en lui lacérant le torse, bondit en arrière, repoussant du même coup la sacrieuse. Un salto plus tard, Ahanselm saisit ses dés fétiches, et en activa le mécanisme. Avec un certain plaisir, il regarda la sacrieuse blessée, empêtrée dans une boue à l'odeur suspecte.

- Et c'est parti pour le final.

Ahanselm jeta les dés près de la sacrieuse. Immédiatement, ils prirent feu. Et, par une grande réaction en chaîne, tut ce qui entourait Khyrra prit feu violemment. Cette dernière y compris. Admirant le spectacle, Ahanselm utilisa un parchemin de camouflage pour éviter de méchants sorts de sacrieur vissant à vous emmener dans les pièges que vous construisez. Ces sacrieurs sont de vrais rabats-joie.


Pendant ce temps, une dragodinde d’or et d’ébène approchait d’un corps inanimé en bordure de la forêt et entreprenait de brouter une tignasse perdue au milieu des brins d’herbe.

 

- Uk ?

Okury n'avait encore jamais vu de touffe d'herbe avec une main, qui cherchait en vain a ouvrir une bouteille de verre. La dragodinde en avait vu des choses, mais des iops dans son lit de sang, ça jamais. Elle connaissait bien ce Iop. Elle l'avait vu.

- ‘Vais m'rir, f'chaud... m'j'frd.

Le bouchon de la bouteille sauta, et le iop amena bouteille près de son visage. Essayant d'articuler une phrase, il regardait la dragodinde.

-
Grosse bébette, t'veux pas m'mettre sur l'dos... vite.

 

Nul ne saura jamais si Okury avait eu un éclair de géni ou si seul son estomac guidait ses actes, mais toujours est-il que la dinde qu’elle pencha au dessus du iop pour brouter une herbe décidément plus savoureuse que les cheveux d’Eorh, mettant ainsi sa bride à portée de main.

A l’opposée, une mercenaire se retrouvait dans de sales draps. Pliée en deux de douleur et de surprise, ses mains pressant les balafres striant sa poitrine, la sacrieuse eut la présence d’esprit de sauter en arrière sans se poser de question lorsque l’ecaflip jeta deux objets non identifiés à ses pieds. Ce réflexe lui permit de ne pas être prise au centre de l’explosion et de ne pas griller sur place sans espoir de s’en sortir, mais ne suffit pas à l’écarter de la zone dangereuse. L’herbe haute des plaines s’enflamma contre toute attente avec une virulence inhabituelle. C’est seulement à cet instant que Khyrra se rendit compte de la forte odeur alcoolisée qui planait sur l’endroit. Le feu prit à sa tenue avec voracité, mais contrairement au commun des mortels, elle garda son sang froid et ne chercha pas à l’étouffer, bien que pas loin d’être paniquée tout de même.

- Sacrieur ! Sauves moi ou tues moi sur le champs, mais ne me laisses pas finir ainsi !

Khyrra incanta rapidement, des paroles qu’elle ne connaissait guère si ce n’est par son héritage racial et pour avoir vu sa sœur les prononcer. Arrivée au dernier mot, elle grimaça par anticipation, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Le sortilège la gifla et la fit vaciller dangereusement au milieu des flammes, mais elle avait gagné un court répit. L’eau magique éteignit les flammèches qui grignotaient ses vêtements et se répandit en une mince couche momentanément protectrice.

« Si je m’en sors, promis juré, j’irais te dédier un sacrifice au temple, Sacrieur. Mais ne me laisses pas tomber… »

Mais déjà, la rémission n’était plus d’actualité et le feu revenait à l’assaut. La chaleur devenait étouffante et grillait sa peau à nue. La fumée l’asphyxiait à demi, l’empêchant de voir clairement à plus de quelques mètres. Il fallait qu’elle bouge et vite, finir carboniser ne rentrait pas dans la conception de mort honorable de la sacrieuse. Mais ce jeter dans le brasier n’était pas une des meilleures solutions disponibles, même si cela semblait être la seule disponible. Pourtant…

Khyrra ramena sa longue tresse et l’enroula autour de son visage, formant un masque quelque peu protecteur, inclina sa coiffe sur ses yeux et resserra sa cape autour d’elle, en priant que les propriétés magiques ignifugées de son équipement teindraient assez longtemps face à une telle fournaise. Quel élément était plus fort que le feu ? L’eau, mais à part furie, elle n’en avait pas sous la main. D’ailleurs, le côté négatif du sort commençait à sérieusement se faire sentir, la blessant un peu plus à chaque seconde passée dans le brasier. La jeune femme tendit une main devant elle. Il lui fallait essayer, elle ne voyait pas d’autre possibilité. L’assaut jaillit d’un seul coup et déchira le rideau de flammes, ouvrant un étroit passage, qui ne dura que quelques instants avant de se refermer.

« L’air écarte les flammes, mais les attise aussi en retour. Je n’ai pas intérêt à me louper niveau synchronisation… »

Elle s’approcha du cercle de feu et inspira profondément, gonflant ses poumons d’air air surchauffé mais qu’elle savait comparativement plus frais par rapport à ce qui l’attendait plus loin. Elle lança son sort d’assaut et se jeta dans le maigre passage créé par le déplacement d’air magique. Elle n’eut le temps de faire que quelques pas avant de devoir recommencer l’opération, les flammes se refermant sur elle a toute vitesse. N’étant pas d’une nature très portée sur le sens de l’orientation à la base, elle priait intérieurement d’aller le plus droit possible et de ne pas tourner en rond, se fiant uniquement à son instant tant sa vision était brouillée par la chaleur. La traversée lui parut durée une éternité, avec la douleur comme seule compagne et comme seul bouée de sauvetage pour ne pas sombrer et abandonner le combat.

Finalement, une bourrasque fraîche lui indiqua qu’elle était sortie de l’enfer. Elle tituba encore sur quelques mètres puis finit par tomber à genou. Le brasier continuait de se consumer derrière elle, mais l’herbe humide de la dernière averse l’empêchant de s’étendre en dehors de la zone imbibée d’alcool. Toussant et crachant, les yeux noyés de larmes, elle se surprit à remercier sa déesse pour la première fois depuis des années. Chaque nouvelle inspiration d’air frais était autant une renaissance qu’une torture pour ses poumons brulés, mais la sacrieuse acceptait cela comme un mal nécessaire et réjouissant, une bénédiction, tout comme sa peau noircie par la fumée où elle devinait sous la couche noirâtre les brûlures et les cloques, ou encore chaque souffle de vent qui soulevait les lambeaux calcinés de sa cape fondue et collée à son dos. Elle était vivante et c’était tout ce qui comptait.

Mais encore fallait-il que cela dure…

 

Ahanselm triomphait, mais le contrecoup avait fini ses effets positifs, et il fallait payer l'addition : les blessures au ventre se rouvrirent et l'hémorragie reprit lentement. Aucune panique ne le saisit, il savait qu'il avait encore quelques bonnes minutes avant que ça ne devienne grave. Il fallait tout de même en finir au plus vite. Pour cela, il tira une épée rutilante et l'abattit sur la sacrieuse à plusieurs reprises, apparaissant du même coup.

- Alors sale traîtresse, tu as toujours envie de faire la catin d'Alister le faible ? As-tu tu toujours envie de créer un monde meilleur sans Bonta ?

Il tournait autour de Khyrra, comme un prédateur jouant avec sa proie quasi tuée, comme un gladiateur attendant le signe de son empereur, comme un toréador ayant planté ses sabres, bref, pour Ahanselm, la mise à mort était imminente. Ou du moins, la victoire. Le brasier s'éteignait assez rapidement derrière lui, donnant à son discours une connotation apocalyptique.

- As-tu goûté à la réalité ? Tu as vu ce que l'élite de Bonta peut faire ? Tes pathétiques talents pour te vanter de ta puissance ne sont que futilité quand je peux détruire, et soumettre deux têtes Erinyes ! Je dispose de milliers d'hommes prêts à mourir un par un pour t'exterminer ! Pire encore ! Je t'ai suffisamment étudie pour savoir qui tu fréquentes, ce que tu penses, et comment tu te bats. En somme, je suis fait pour te tuer.

Ahanselm recula, ne perdant pas Khyrra des yeux. Il avait fait son oeuvre ici, et contrairement à la plupart, avait réussi l'épreuve du feu, non seulement il en était sorti en vie, mais il avait battu Khyrra.

-
Je suis ta Némésis Khyrra. Aucun d'entre nous ne peut vivre décemment tant que l'autre survit. J'espère que tu vas mourir, pour ma cité. Mais pour mon esprit de guerrier, j'espère te voir survivre, pour vivre avec ton honneur brisé. Et pour te battre a nouveau !

Il siffla un coup sec dans un sifflet, et une monture rouge et noire arriva. Ahanselm monta en selle, dissimulant les plaies les plus handicapantes, et surtout celles qui tachaient de vermeil ses habits déjà bien souillés. Faisant se cabrer la dragodinde, il donna le galop, direction bonta, au plus vite, la manche avait été gagnée.
Revenons à Eor l'agonisant, qui saisit la bride offerte, involontairement par Okury pour se retourner et verser le liquide salvateur d'une potion sur le ventre en charpie qui avait été en bon état peu avant. La douceur fut si sublime que le Iop tomba évanoui, remerciant dans un dernier souffle Khyrra, bien que la sacrieuse ne soit pas sur la monture.

 

- Je me fous bien de Bonta…

N’étant plus en état de se battre, Khyrra prit la seule option qui lui rester : subir en bonne sacrieuse, tandis que l’ecaflip s’en donnait à cœur joie. Sans un cri, elle ne lui donnerait pas cette joie, elle se laissa taillader sans réagir et jusqu’à ce que ses forces la trahissent. Alors, étendue à terre, elle l’écoute débiter ses sornettes en serrant les dents, en faisant le mort. Lorsqu’Ahanselm ne fut plus qu’une ombre sur l’horizon, la sacrieuse concentra toute la souffrance accumulée pour se redresser et se relever.

Avec des gestes lents et mesurés elle tâtonna dans ses poches à la recherche du sifflet qui lui sauverait la vie. Mais il n’était nulle part. Consternée, elle comprit qu’il n’y avait plus d’espoir, que perdue au milieu de nulle part sans moyen de rejoindre une zone plus civilisée, sans soin à attendre, que sa route s’arrêterait ici. Alors, avec un cri de rage face à tant d’impuissance, elle laissa éclater toute sa colère et son accablement, sans plus retenir ses larmes. Elle maudit longuement le sort qui avait voulu qu’elle vienne se jeter dans ce guet à pend et qui lui avait repris toute possibilité d’en réchappé en la privant du moyen d’appeler sa monture. Et lorsque les larmes même se furent taries, elle jeta ses dernières forces dans une longue et interminable marche en direction de la forêt, là où Eorhlinghas avait disparu lui aussi. Au vu de l’évolution de la situation, elle ne se faisait plus guère d’illusion quant à leur avenir commun, mais au moins ne mourrait-elle pas totalement seule, même si c’était pour avoir un cadavre comme témoin de ses derniers instants.

Le trajet jusqu’à la lisière du bois se fit dans une demi réalité, un cauchemar éveillé, où la douleur se partageait la raison vacillante de la sacrieuse avec l’épuisement et le délire du à la fièvre et à la perte de sang. Khyrra s’enfonça encore sur quelques mètres sous la couvert végétal mais elle était au bout du rouleau.

« Je vais… me reposer un peu… et repartir… ensuite… »

Elle s’appuya contre le tronc d’un vieux chêne, sentant à peine l’écorce rude contre la peau à vif de son dos. Ses jambes se dérobèrent sous elle et elle s’effondra sur l’humus humide, sans connaissance. Des secondes, des minutes, des heures qui sait, s’écoulèrent, pour Khyrra, il n’y avait plus de temps.

Une étrange sensation de douceur, une caresse chaude, puis humide, sur sa joue. Un souffle d’air ? Non… Khyrra ouvrit lentement les yeux : une boule de poil flou occultait tout son champ de vision et lui léchait le visage. Le familier était resté dans la sacoche de selle de sa dinde pendant toute l’affaire, Okury ne devait pas être loin, mais il était désormais trop tard pour tenter quoi que ce soit.

- Cendre… J’aurais mieux fait de te laisser finir ton tofu à Astrub… Ta maîtresse a fait la dernière connerie de sa misérable existence…

Avec délectation, elle passa ses doits dans la fourrure soyeuse. Le chacha vint se blottir contre sa poitrine et Khyrra y puisa un profond réconfort. Peu à peu, les caresses se firent plus lentes, plus molles, suivant la respiration de la mercenaire. Recroquevillée au pied de l’arbre, Khyrra n’avait plus rien de la fière guerrière, elle n’était plus qu’une femme blessée, brisée et abandonnée. Mais sereine. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres puis ses paupières se fermèrent doucement. Cendre gémit mais ne bougea, restant à veiller jusqu’à la fin.

Ce n'est pas un hasard qui poussa l'homme drapé de gris et de noir, complètement masqué, à une zone ravagée, une véritable verrue défigurant les plaines de Cania. Des cadavres et une terre brûlée accompagnèrent l'homme dans sa marche, il cherchait quelque chose de précis et le découvrit au détour d'une dragodinde tranquille. Celle ci, zébrée de noir et d'or, était sur le point de fuir instinctivement, comme à l'approche d'un prédateur naturel. Et elle n'avait pas tort, simplement, l'homme ne voulait pas la dévorer, il se contenta de se concentrer, et la dragodinde se détendit, et vint le voir. Puis son attention se porta sur le Iop en charpie à ses pieds.

-
Allons allons... Ton heure n'est pas encore venue.

Il souleva, non sans mal, le corps du Iop tombé en héros, et le mit sur la dragodinde, sans se soucier de l'état des deux. Puis, tel l'ankou et son chariot macabre, il se dirigeait vers une étincelle vitale en train de s'éteindre. Un afflux d'odeur de métal, une odeur de sang embaumait l'air. L'autre devait se trouver la bas, et au vu de la force de l'odeur... C'était sans doute l'endroit où la sacrieuse se mourait. Le combat avait résonné dans la magie à des lieues, non pas par ses déchaînements, mais par la rencontre des puissances qui s'y rencontraient.

- Suivons ta piste, Khyrra la grande... Khyrra la vaincue...

Il suivit la piste, sans aucun problème... l'âme de Khyrra va bientôt s'échapper de son corps... alors elle laisse des traces d'elle même dans la magie. Dans un état second, à demi dans ce monde et à demi en pleine divination. La divination souffre cependant d'un grand défaut, quelque chose brouille la vision, au point d'en provoquer une douleur terrible qui coupe le sortilège. L'homme regarde alors le monde réel et voit un chacha, léchant le presque cadavre de la sacrieuse. Enfin, cette chose qui y ressemblait. Ce bout de viande avait bien souffert. Elle avait été gravement brûlée. Il se pencha, mais le chat souffla et mordit l'homme qui réagit en expédiant ce dernier loin.

- Ahh ! Va-t-en sale bête ! Quand à toi, le grand voyage n'est pas d'actualité.

Il ouvrit délicatement la bouche de la sacrieuse et y versa une potion rouge sang. Cet élixir, au goût des plus horribles, ravive les forces vitales quasi-éteintes. Dans le même temps, il tire un sifflet lui appartenant, faisant venir une dinde couleur de ciel nocturne

-
Shade, emmène la à l'abri. Rejoins Okury, et emmène les deux à la crypte.

La dragodinde se baissa, et l'homme mit Khyrra sur Shade, qui fila, rejoignant Okury toujours aussi envoûtée. L'homme but ensuite une potion, et, avant que celle-ci l'emmène loin, attrapa une furie griffue qui miaule.
Eor et Khy, dont l'état était stabilisé, mais toujours faible, se trouvaient dans une cellule sombre. Les murs sont de marbre noir et le tout est plongé dans la pénombre. Des cris résonnent dans le lointain, portés par l'écho du vide ou se trouvent nos héros.

 

Il faisait froid. Froid et humide. Le corps frissonne, revient à la vie par un automatisme de conservation naturel. De la chaleur, il lui fallait se réchauffer, mais sans apport extérieur, il n’y parvint pas. Alors, il mit en branle la conscience, il fallait agir.

Comme d’un long coma, la sacrieur émergea peu à peu de la brume qui noie son cerveau et alourdit ses gestes. Il faisait sombre et pendant un moment, la seule chose qu’elle perçoit, c’est l’humidité qui ruisselle sur un sol glacial. Peu à peu, la mémoire lui revint, elle parvint à rassembler des brides du passé récent. Le piège, le combat, le feu, sa défaite. Sa fin. La souffrance. A ces souvenirs, l’instinct reprit le dessus, elle se sentait en danger, elle ne comprenait plus. Elle aurait dû être morte ! La sacrieuse tenta de se redresser et tout son corps cria merci. La souffrance. Non, elle était toujours belle et bien vivante. Pas mourante mais pas en super forme non plus. Khyrra cessa de lutter pour écouter. Son corps. Le pire était passé, il n’y avait plus de risque vital. Dans l’immédiat en tout cas. Ce qui se passait autour. La pièce était petite au vu de l’écho, petite et vide. Une respiration. Elle n’était pas seule.

Lentement, elle roula sur le flanc et inspecta les environs. Une cellule, elle était emprisonnée elle ne savait où. Des murs de marbre, des barreaux u peu plus loin, l’odeur de renfermé. Khyrra n’avait jamais supportée d’être enfermée, et cela s’étendait par extension à tout lieu trop étroit et dont elle ne pouvait sortir. Elle se força au calme, ce n’était pas le meilleur moment pour piquer une crise e claustrophobie.

Une forme étendue, un peu plus loin, inerte, mais qui respirait encore. La sacrieuse rampa vers elle et l’étudia. UN iop, LE iop, Eorh. Lui aussi n’était pas beau à voir, mais il n’avait pas succombé. Etrangement, malgré tous leurs différents, cela la rassura. Au moins quelqu’un sur qui elle pourrait plus ou moins compter. Enfin, s’il daignait regagner complètement le monde des vivants…

- Eor… Sale iop, réveilles-toi !

 

- Hngh... Lances... Fleches... Esquiver...

Le Iop ouvrit fugacement des yeux, mais il était évident qu'il n'était pas de retour à la réalité. En effet, il flottait dans les brumes de l'inconscience. Revoyant des lances percer son échine dans un concert de douleur, il se tordait à cause de celle ci, puis s'éveilla brusquement. Il mit quelques secondes a apprécier ce qui se trouvait autour de lui.

-
Khy... On est ou ?

Le Iop remarqua les graves brûlures de la sacrieuse, en ressentit une grande culpabilité, et leva son bras gauche, décrocha sa cape et la jeta tant bien que mal, ne pouvant visiblement rien faire d'autre, sur la sacrieuse. Il regarda autour de lui... quand la réalité de son corps se rappela a lui. La douleur le prit comme la mer prend les corps des noyés, elle l'engloutit, le poussant presque au niveau de pousser un hurlement.

- Ahhh... ça ressemble pas aux geôles de Bonta ou d'Amakna...

- Non loin de là... Ca pue la mort ici, la vieille mort, c'est n'est pas l'atmosphère de ces prisons que nous connaissons...

D'un hochement de tête, elle remercia Eorh et serra la cape autour d'elle. Le brasier n'avait guère était clément avec ses vêtements et sa faiblesse rajoutait encore à sa perception exacerbée du froid ambiant. Maintenant qu'elle était pleinement éveillée et que ses yeux s'habituaient peu à peu à l'obscurité ambiante, elle étudiait calmement la situation.

- Non, nous ne sommes ni à Bonta, ni à Brakmar et encore moins en Amakna. C'est pas une prison, même si dans les faits, nous sommes captifs. On dirait plutôt un tombeau, du genre où l'on nous y enterre vivant pour l'éternité... Je ne sais sur quel taré nous sommes encore tombés, mais qu'il n'espère aucune gratitude de ma part pour avoir rallongé minablement mon existence...


Laissons la le Iop en souffrance, durant le réveil post-raclée de nos héros, une douzaine de paires d'yeux rouges observaient les deux guerriers. Une espèce de barrière invisible semblaient les empêcher d'accéder aux deux infirmes. Les cris spectraux et violents cessèrent peu a peu en fond, sur une dernière phrase.

-
Ne les touchez pas ! Ils ne sont pas à manger !

L'homme en gris et noir apparut devant les barreaux, deux yeux rouges luisaient de sous sa capuche. La voix claqua sèchement, les faisant sursauter tous les deux. A l'unisson, ils se tournèrent vers elle. L'homme semblait sans age sous sa tenue noire et grise. Malgré elle, Khyrra recula légèrement. Ce type lui foutait une frousse terrible, viscérale, il était... malsain, même pour l'ancienne brakmarienne qu'elle était.

- Qui êtes-vous? Que voulez-vous? Pourquoi sommes nous prisonniers?!

Sa voix était mal assurée, mais la sacrieuse tentait de se donner une contenance malgré son apparence dépenaillée et pitoyable. L'homme sourit, visiblement satisfait de son effet de surprise. Il s'approcha de la cellule toujours drapé dans un costume visiblement usé, de gris, de noir et de bleu nuit. Son bras droit, masqué par la toge, tenait une précieuse relique pour maintenir son costume. Son anonymat était primordial.

- Tu veux juste savoir qui je suis ? Très bien, je suis celui qui t'a sauvé, avec ton ami le Iop. On m'appelle Cyric, dans ce mausolée. Ce que je vous veux... hé bien, je vous ai sauvés, on peut dire que je veux votre vie non ? Mais la formule ne colle pas bien. Disons que j'étais venu vous avertir, et que je suis arrivé bien trop tard.

Il repoussa une dizaine d'êtres derrière lui.

- Vous êtes enfermés pour vous éviter une désagréable sensation d'être... considérés comme un plat. J'ai laissé les clefs dans votre cellule, et vous êtes libres de sortir, a vos risques et périls, cependant. Pour tout dire, dans votre état, vous serez morts si vous ouvrez la porte.

L'homme fit passer de la nourriture dans une trappe à cet effet. Un plat de viande rouge, a peine cuite et du pain, ainsi qu'un pichet de limonade d'Incarnam. Il alla chercher un tabouret et s'assit dessus, toujours dans l'obscurité. Ses yeux rouges parcoururent les prisonniers.

- N'ayez pas peur. Je veux juste voir quelles infos vous avez eues. Que faisiez-vous en plein milieu des plaines de Cania ?

Son ton doux n'avait que l'apparence d'une douceur. L'ambiance était macabre, les gouttes d'eau qui s'écrasaient sur le marbre noir avaient quelque chose d'horriblement terrifiant, ainsi que les yeux rouges, comme autant de bêtes, aux râles affamés, n'attendaient qu'une occasion de saigner les deux mercenaires. L'homme lui même n'avait de différent que le fait qu'il ait pris la parole et semble repousser ses congénères, il attendait avec une certaine impatience la réponse, et l'ambiance s'en ressentait. La question horripila aussitôt la sacrieuse. Qui était ce type pour se permettre de les sauver, les enfermer et ensuite poser des questions? En d'autres circonstances, elle aurait déjà réagi plus que violemment et l'individu aurait vite ravaler sa morgue et ses paroles après une rencontre tout à fait amicale avec la grille de leur prison. Pourtant, Khyrra n'attaqua pas, elle n'était pas suicidaire au point de se lancer dans un affrontement perdu d'avance, elle préférait temporiser.

- Nous étions partis cueillir des champignons, mais le coin est plutôt mal fréquenté... Certains ne sont pas partageur en matière de récolte... Ils devaient vraiment tenir à leur omelette aux champignons, mais nous aussi... Ca a mal fini...

L'arrogance et le mépris transpiraient de ce petit discours, il n'était pas prêt de la faire parler. Pourtant, les yeux de la sacrieuse allaient et venaient rapidement entre l'homme et le plateau de nourriture. Son estomac grognait sourdement, son corps réclamait l'énergie nécessaire à sa restauration et le faisait savoir. Pourtant, Khyrra hésitait. D'une part parce qu'elle ne voulait rien devoir à cet inconnu, y compris une bouchée de pain, mais surtout, elle craignait que la nourriture ne fut empoisonnée. Puis, après une longue tergiversation, elle tendit la main et ramena le plat vers elle avec un sort d'attirance. Un sourire satisfait s'esquissa sur ses lèvres : sa magie revenait peu à peu et surtout, elle n'avait pas eu à s'approcher de leur interlocuteur. Sans quitter celui-ci du regard, elle se servit un morceau de viande et savoura le jus chargé de sang à peine cuit. Ne percevant pas d'effets secondaires immédiat, elle fit glisser le plat jusqu'au iop qui n'avait pas lâché un mot depuis un moment déjà.

 

- Oh, des cueillettes de champignons... alors je suppose que je ne devrai pas vous révéler qui a préparé un superbe attentat contre vos deux vies, ce serait trop bête... A vous voir il n'aurait pas déjà agi...

Cyric n'aimait pas faire ça, mais il devait garder sa place stratégique, à Bonta. Le d"part d'Ahanselm avait été précipité, trop pour que ce soit l'œuvre d'une information trop peu importante. Non, quelqu'un de proche l'avait informé de la localisation de ses cibles. La version des deux mercenaires était des plus cruciales, une vérification serait faites, les infos seraient croisées, bref l'on saurait vite qui punir

- Je suis de votre coté, vous savez. Je ne vous aurais pas sauvé, vous et vos montures, ni amené dans mon repaire. Bon, les barreaux sont pour vous protéger de mes soldats qui sortiront d'ici peu. Si vous êtes prêts a me faire confiance, qu'on puisse avancer un peu, et que vous me dites ce que contenaient vos ordres de mission, ou votre raison de présence la bas, je vous ferai partager mon savoir. Et croyez moi, vous n'êtes absolument pas perdant au change, si, contrairement a une relation amicale - non ce n'est pas empoisonné -, vous vous contentez d'une relation de saine méfiance.

Le Iop restait plongé dans ses pensées, de sa témérité et de son emportement, il y avait failli y avoir deux morts de plus. Il repensait à Tann, si il avait été un sacrieur, il aurait été trait pour trait Theodred, c'est d'ailleurs pour ça que le Iop tenait à sa montée en grade. Six mois que le Iop n'avait pas eu de nouvelles de son fils, rien d'alarmant mais hé, Eorhlinghas avait tendance à devenir plus coulant avec l'age. L'assassin de sang froid qu'il était devenait des plus agréables à l'occasion, avec de rares personnes, qui lui rappelaient d'anciens amis ou amours. Cela incluait Khyrra, son fils, la défunte Ssyler, son apprentie Earth et sa sœur Hamamelis. Emergeant de ses pensées, il prit un bout de pain et le dévora doucement, de peur qu'une blessure au ventre s'ouvre.

- Merci Khy... Dis donc, Cyric, Ce serait bien que tu nous rancardes un peu sur ton grade et ton identité directe. Parce que c'est pas qu'on t'aime pas hein, c'est juste qu'on a pas vraiment élevés les porkass ensemble, alors bon, on va pas te raconter nos états d'âme en sens unique, pigé ?

- Malgré ton manque effarant de respect, je vais accéder à ta requête, je suis un agent double, infiltré à Bonta, œuvrant pour le compte de qui veut bien payer aux informations qui me passent sous le nez. Le plus souvent pour Brakmar. Et ces hommes sont ma garde rapprochée en terrain allié.

 

Circonspects, Khyrra et Eorhlinghas ne consultèrent du regard, sans un mot. Ils n’avaient pas besoin de ça pour arriver à la même conclusion : autant donner ce que l’autre comique voulait, ils n’avaient plus rien à perdre et papoter pouvait leur faire gagner un peu de temps. La sacrieuse prit tout de même le temps de se remplir l’estomac et vida la moitié du cruchon de limonade avant de reporter son attention sur leur illustre inconnu.

- Cyric donc… Inconnu au bataillon, et drôle de nom pour un type qui se prend pour un mort-vivant au milieu des goules. Chouette remix de la fameuse pièce de théâtre… Danse avec les morts, je crois bien, non ?

Peu à peu, elle gagnait en assurance, ce qui n’était pas forcément bon signe.

- J’en déduis donc que nous ne sommes pas loin de la cité sombre. Vu l’odeur, je ne dirais même pas loin du cimetière des torturés. En compagnie d’un traître en puissance. C’est magnifique ! Et pourquoi vouloir nous aider ?

Un silence s’imposa suite à cette question. L’homme ne semblait pas décider à satisfaire sa curiosité tant qu’elle ne lui aurait pas donné ce qu’il voulait.

- Tsss… Pas très causant… Soit. Pourquoi je me suis retrouvée perdue au milieu des plaines de Cania ? Et bien tout simplement parce que le subordonné que voici a requis ma présence suite à une attaque sur un convoi. La suite est encore plus simple : les abrutis dont vous avez du contempler les cadavres sont arrivés et ont voulu nous régler notre compte. Cela vous suffit-il ?

 

- J'ai mes raisons, qui ne vous regardent pas. La seule chose que vous devez savoir a propos de mon acte, c'est que sans lui les corbacs vous dévoreraient et se régaleraient de vos yeux. Je suis immergé de beaucoup dans vos affaires. Et je sais que vous avez été trahis, et le fait que l'on ne vous ait pas informés du tout de la présence d'Ahanselm induit que...

Cyric savait qu'il dominait la situation, il détenait désormais une information, relative, qui pourrait faire taire la sacrieuse. Mais il ne devait pas non plus en surjouer, sous peine de braquer la sacrieuse, alors il se contenta de glisser entre les barreaux un dossier. Ce dossier, de cuir noir, contenait une centaine de feuillets, décrivant un par un les membres du clan. Et surtout, il décrivait la thèse d'un complot au plus haut niveau, via la connaissance des contrats. Il manquait une pièce maîtresse, la thèse du complot restait vague

- Lisez ce dossier, et quand vous serez décidés à me parler... vous saurez me trouver pour analyser qui et pourquoi vous avez été vendus. Ah oui, la porte n'est pas fermée.

Sur ce, il disparut; Le iop se tordit et attrapa le dossier. Apres quelques minutes d'une lecture diagonale et hasardeuse, Eor tendit le dossier à Khyrra et resta coi quelques secondes. Il y avait sur le feuillet le concernant des informations les plus secrètes sur lui même. Ceux qui avaient rédigé ces informations étaient soient des proches, soit des supérieurs

- Voila qui me laisse dubitatif, dit il après lui avoir laissé le temps de lire la thèse, tu y crois toi ?

 

Khyrra feuilleta rapidement le dossier, s’attardant plus longuement sur la fiche la concernant puis prit le temps de relire trois fois la partie portant sur le soit disant complot. Elle en resta sans voix de longues minutes. Il y avait là des informations que personne ne connaissait, dont elle n’avait même jamais parlé, pas même à ses maris successifs, pas même à sa sœur. Quand au complot, aussi extraordinaire que cela puisse paraître au premier abord, cela ne l’étonnait pas tant que cela. Simplement, elle ne s’attendait pas à qu’un projet aussi complexe soit mis sur pied. La trahison et la manipulation avait toujours existé dans le clan, c’était parfois une question de survie, mais habituellement, les dissensions se réglaient de façon plus simple, par un combat opposant les deux parties, ou par quelques goûtes de poison pour les plus timorés.

- Oui j’y crois. Mais je suis abasourdie que cela ait pris cette tournure et cette ampleur. C’est réellement… tordu comme technique.

Elle referma le dossier et le rendit au iop.

- Je suis navrée, c’est moi qui étais visée, tu n’as été que l’appât sacrifiable. Maintenant, je veux savoir qui est derrière cette attaque, quel est le fourbe qui n’ose pas se mouiller pour se débarrasser de nous. Et je pense que ce type peut nous apporter quelques réponses, à défaut de nous aider ou nous donner la vengeance.

Péniblement, la sacrieuse se mit debout, flageolante sur ses jambes encore faibles.

- Et puis, vu notre état, nous ne pouvons pas nous permettre de moisir ici. Il va nous falloir des soins plus poussés, je ne tiendrais pas éternellement avec des pointes de flèches dans le corps et toi avec les tripes à l’air. Et ça n’est pas quelques spectres qui vont m’arrêter !

Décidée, elle prit son air le plus féroce et ouvrit la porte avant de faire un pas à l’extérieur de leur cellule. Que ce soit par peur ou plus certainement par obéissance aux ordres de leur maîtres, les choses s’écartèrent et laissa passer le couple. Ils suivirent le couloir, les étranges créatures sur les talons, les poussant à toujours aller de l’avant.

 

Les ombres semblaient se dissiper au passage des deux guerriers blessés grièvement. Les formes spectrales se révélèrent difficilement, blafardes et mortelles. Le passage était étroit, de marbre noir toujours, tandis que les formes, êtres morts de toutes races au teint d'une blancheur morte, putréfiée, au regard de bêtes fuyaient les deux vivants. Un seul passage s'offrait à eux, il menait à une pièce tout aussi sombre à l'entrée, mais éclairée par une lumière mystique bleue, qui donnait une ambiance de magie ambiante, d'autant qu'après quelques mètres, la pièce se révélait être un véritable quartier général : dossiers, index et portraits jonchaient la pièce, les étagères et les tableaux.

- Je ne vois pas notre sauveur...

Dit le Iop reprenant de l'assurance. La présence de Khyrra le rassurait, malgré leurs déboires en tant qu'aventuriers, qu'amants, que parents et qu'amis, il trouvait sa présence nécessaire. Ils avaient été, à son goût, plus complices que jamais depuis leur réconciliation. Il la regarda, et s'approcha délicatement d'une étagère, et en analysa le contenu

- Compilation des bontariens impliqués dans les assassinats suspects d'Amaknéens et résumés de leur vies et de leurs relations, Compilation des conseillers d'Allister et de Fallanster, État de la garde et de l'entourage royal d'Amakna. Principales personnalités de l'ombre Amaknéennes. En somme, ce type est bien au courant de la politique... Et du vaudou, cette étagère là bas est remplie de traités traitant de la projection astrale et de la divination pour espionner des gens... Reste a savoir ce qu'il en fait.

Une forme bleu nuit, grise et noire, masquée comme a la va-vite apparut dans l'entrebâillement de la porte, derrière Khyrra. Il portait une odeur de fleurs, et deux yeux jaunes, rougeoyant lorsqu'ils se trouvent dans la pénombre, et une mèche tressée de cheveux blonds transparaissait au travers du costume. Il s'inclina légèrement.

- Je suis satisfait de voir que nous avons pu établir une relation de confiance, et je vous prie d'aller plus avant dans mon bureau, vous êtes libres de vous asseoir, il est inutile de vous fatiguer a rester debout.

Il tendit une main, révélant un bureau camouflé sous un drap noir, ainsi que quelques tabourets recouverts de cuir. Puis il rangea sa main, au poignet aussi blanc que neige, dépourvu de costume.

 

- Nous n’en sommes pas encore à parler de confiance… Disons simplement que vous avez des informations qui nous intéressent et que pour les obtenir, nous n’avons d’autres solutions que d’accepter vos conditions… Pour l’instant…

Un dernier regard à Eorhlinghas et Khyrra emboîta le pas à leur hôte. Ses yeux fouillaient avidement les environs, glanant la moindre information, le moindre indice pouvant les aiguiller sur leur localisation ou l’identité de leur interlocuteur. La mercenaire était mal à l’aise, non seulement de rester ainsi dans l’ignorance, elle qui avait horreur d’être prise en défaut, ou encore à cause de l’ambiance étrange qui planait sur les lieux, mais aussi et surtout physiquement.

Soudain, Khyrra vacilla. Avec un grognement assourdi, elle porta une main à son ventre et la retira, rouge de son sang. Elle blêmit sur le champ, prenant conscience que tout était loin d’aller pour le mieux, en dépit des apparences. Personne ne l’avait réellement soigné, leur sauveur lui avait seulement administré une potion qui n’avait qu’une performance limitée. De là venait le goût étrange et acre qu’elle avait dans la bouche depuis son réveil. Mais en attendant, les pointes de flèches qu’elle n’avait pas retiré mais simplement cassé la hampe achevaient leur travail de mort.

- Je crois que la potion ne fait plus effet…

Quelque peu paniquée, elle chercha un siège du regard et fit un pas vers le tabouret le plus proche. La salle se mit soudainement à tanguer autour d’elle, comme prise de folie. La sacrieuse perçut une ombre, un mouvement rapide à côté d’elle tandis qu’elle s’effondrait dans des bras étranges, miraculeusement apparus pour la retenir. Dans un réflexe visant à maintenir son équilibre compromis, elle s’accrocha à la première chose à sa portée. Dans sa chute amortie, elle arracha le masque de Cyric, mal fixé.

Pendant une fraction de seconde, elle eut le temps d’apercevoir le visage de leur sauveur et afficha une surprise immense avant de sombrer dans l’inconscience. Aussitôt, la luminosité bleutée de la pièce s’estompant, plongeant les lieux dans une pénombre étrange.

 

Un message mental appela un eniripsa bien connu d'Eorhlinghas, puisqu'il s'agissait de son larbin, Ienchiench, envoûté par un philtre de charme commandé à Eor par Cyric lui même. Il prodigua un mot immobilisant le Iop, qui sentit chaque parcelle de sa chair devenir aussi lourde que le plomb. Tandis qu'il s'affairait délicatement aux blessures des deux, prodiguant des mots qui, une fois entendus, réactivaient les mécanismes de régénération des corps blessés.

"Qu'est ce qui va advenir de moi, elle va me tuer"

Cyric savait qu'il avait été reconnu, il avait senti son masque s'enlever, et le voyait, gisant par terre dans un pathétique mouvement de rotation. Tandis que son père tentait de se soustraire aux effets du mot immobilisant de Ienchiench, il s'avança vers sa mère.

- Je sais que tu m'entends, ce sont les liens du sang, ça doit te paraître plus que flou. Tu seras bientôt debout, et tu vas sans doute me tuer. Alors, je parlerai vite. Vous avez été vendus a Bonta pour cinq millions de kamas et la tranquillité de se débarrasser d'agents loyalistes et d'électrons un peu trop libres au goût d'une personne qui : soit avait accès a tes dossiers Khyrra, soit chapeautait ces-dits dossiers. La situation ne m'es venue aux oreilles qu'il y a quelques jours, et le temps que je vérifie les sources, la bataille avait déjà eu lieu...

Cyric se releva et alluma la lumière bleutée, tandis que l'eniripsa, affichant un sourire béat continuait son affaire. Il s'affichait ainsi comme Theodred, fils mort vivant des deux guerriers présents ici. Nouvellement réincarné, et grande source d'informations, il n'avait pas pu, comme il le désirait, choisir le moment idéal pour revenir auprès de sa mère et se réconcilier avec elle. Mais qu'importe, il n'avait d'ailleurs, pas pris la peine de vérifier toutes ses sources, ce qui comptait pour lui, c'était de sauver ce qui pouvait l'être. Et qu'importe les dommages, mais cependant, il se recula quelque peu de Khyrra, dont la vie n'était plus en danger tant que Ienchiench, même drogué, appliquerait et pourrait finir sa cure bienveillante.

- Tu avais disparu...

 

Du fond de son inconscience, la sacrieuse n’avait perçu pas un seul mot de son fils. Les blessures, la fatigue, la tension qui retombe et la surprise de retrouver Theo sous un masque d’inconnu avaient eu raison de sa résistance naturellement. Son corps tressaillit lorsque l’eniripsa retira les pointes de flèches et referma les plaies, mais cela ne suffit pas à la ramener dans le monde sordide de la crypte.

Theo continuait à débiter son histoire, sans sembler se rendre compte que cela ne servait à rien vu son peu d’auditoire. Peut être était-ce un moyen pour lui de conjurer la peur que lui inspirait la simple présence de sa mère ?

 

Eor muet et immobile, Ienchiench béat et donc tranquille, ne restait que Cyric qui se défoulait de façon verbalement malhabile sur la sacrieuse en charpie. Voici ce qui composait ce vaudeville atypique et sanglant, mais revenons a ce qui se passe dans le cerveau torturé de Cyric

"Mais pourquoi elle veut toujours me reconnaître ? Je ne serai jamais tranquille, jamais en paix. Elle va guérir et me tuer."

Le Iop cracha du sang, et s'évanouit, ce qui dissipa l'inattention de Cyric. Iench et les goules amenèrent les deux victimes dans une chambre assez kitsch. Velours rouges et ambiance châtelaine était à l'honneur dans cette pièce. Ienchiench passa six heures à soigner complètement les deux guerriers tout en les maintenant inconscients. Cyric les fit s'allonger sur un grand lit à bBaldaquin et resta caché dans une alcôve sombre du plafond, à méditer.

"Attendons de voir ce qui se passe"

Au bord des larmes, Cyric se reposait, prostré dans son alcôve d'observation. Il n'avait pas pu se résoudre a tuer sa mère, qui l'avait tout le temps haï et pourchassé. Elle n'avait pas été la pour le soutenir et pour le voir grandir. Il lui avait sauvé la vie, mais elle trouverait moyen de lui en vouloir. Cyric s'en voulait de n'avoir pas pu tuer Khyrra, ce qui aurait été, ainsi qu'il le pensait, une preuve de force aux yeux de Khyrra. Apres tout, elle avait déployé des moyens retors et cruels pour tenter de l'assassiner. Cyric était au bord de la folie, pour résumer.

-
Gnnn...

Eor s'était réveille, persuadé d'avoir fait un très, très mauvais rêve. Il avait vu sa puissance brisée, la femme de sa vie assassinée, ou presque, et surtout, il avait vu son esclave manipulé. Bref, rien qui ne soit bien joli. De plus, son fils qui réapparaît après avoir manipulé Khyrra, ce qui s'annonçait sanglant. Il était las de tout ça. Las de Khyrra qui ne sait raisonner qu'en frappant ou en méprisant, las de Cyric qui ne savait faire que pleurer et se plaindre du caractère de sa mère. Las de sa condition, il constata au moins qu'il était guéri, il se tourna sur le coté et vit Khyrra.

-
Salut, tu sembles guérie.

 

Ce simple mouvement de rotation du iop suffit à mettre en alerte la sacrieuse, maintenant qu'elle récupérait de mieux en mieux. Intentionnellement ou pas, Eorh frôla Khyrra, la ramenant à la conscience aussitôt. Celle-ci ouvrit les yeux subitement, déjà sur la défensive. Les quelques secondes nécessaires à l'analyse de la situation ne furent qu'un court répit. Un lit, un lieu inconnu, un iop haï dans ce lit, à côté d'elle...

Dans son cerveau encore embrumé, les connexions se firent en une interprétation logique, tout du moins à ses yeux. Justement, dans ces yeux s’alluma une braise furieuse et la sacrieuse se détendit en un saut vif et brutal pour retomber sur le iop et le plaquer sur le lit. Sa main droite se crispa sur sa gorge, prête à lui broyer la pomme d'Adam au moindre geste suspect, tandis que la gauche tâtonnait à la recherche d'une arme improvisée. Ainsi à califourchon, elle faisait pression de tout son poids pour immobiliser sa "victime", furie aux cheveux en bataille et à la chair marbrée de cicatrices plus ou moins récentes.

- Si tu as osé me toucher, je te jure que plus jamais tu n'auras ni l'envie ni la possibilité de le faire à nouveau avec qui que ce soit...

 

Eor n'avait pas imaginé convalescence plus terrible. A peine réveillé qu'il était déjà maltraité par Khyrra. Sa lassitude prit le dessus, celle ci avait dominé la fugace apparition érotique de la poitrine généreuse de Khyrra et la remontée des souvenir d'étreintes passionnées jusqu'à l'aube de nuit endiablées. Mais le Iop était blasé, cette poitrine appartenait a une femme sanglante et froide, et il n'était pas un lâche.

- Bah vas-y, tue moi. Ne prend même pas la peine de regarder que tu n'as pas été violée. T'es a poil ? T'es irritée aux parties incriminées ? Tu es souillée ? Nan ! Alors t'es gentille, mais ne cherche pas de prétextes a la con pour me buter. T'en as toujours eu envie de toute manière. Simplement voila ton envie de tuer est confrontée a ton orgueil, alors maintenant soit tu cèdes a tes pulsions et tu me butes maintenant, soit tu me relâches, et tu arrêtes tes conneries de bouchère sanglante.

Le iop jouait le tout pour le tout, rassemblant quand même son énergie pour une colère de Iop bien placée qui pourrait lui laisser l'opportunité de fuir au cas ou la pacification ne marcherait pas. Cyric, quand a lui, perché dans son alcôve, réfléchissait, pleurant des larmes amères rouge sang, sur la façon dont il allait devoir tuer sa mère. Il refusait que l'un fasse du mal a l'autre et pensait comme un devoir d'arrêter le bras meurtrier de sa mère, quitte a devenir lui même un meurtrier.

- Lâche-moi. Ou récompense-moi de t'avoir soutenu contre les machinations de ceux qui voulaient ta perte, récompense moi de ma fidélité chez les Erinyes, récompense moi a ta manière ! Tue moi ! Mais agis.

Il regarda Khyrra, empli de désespoir dénué de pitié.

- J'aurais préféré t'avoir violée et être ton ennemi, au moins la mort aurait été agréable et méritée.

 

Les paroles du iop la cinglèrent et la meurtrirent bien plus que n'aurait pu le faire le fouet le plus cruel. Le regard vide mais les pensées en ébullition, la sacrieuse n'avait jamais été aussi proche de la folie sanguinaire gratuite, le plaisir simple de tuer pour se venger, peu importait le motif, uniquement le besoin d'assouvir un instinct refoulé depuis des années. Presque dix années depuis leur séparations, à machiner sa riposte, à mettre des bâtons dans les roues du iop, à planifier et à savourer par anticipation l'instant où elle prendrait sa vie en compensation du mal qu'il lui avait fait bien des années plus tôt.

Ses lèvres se tordirent en un rictus carnassier, découvrant ses dents. Ne pas réfléchir, agir comme le réclamait le iop, serrer, simplement, jusqu'à la suffocation, à lui faire sortir les yeux des orbites, lentement, qu'il souffre autant qu'elle avait pu souffrir de ses actes, que son agonie soit une renaissance pour elle, la fin d'un calvaire, une libération. Puis lui briser le cou, comme on le ferait d'un vulgaire volatile, et savourer.

Sa main se crispa sur la gorge offerte et elle fit basculer son poids en avant, mettant toute cette haine, toute cette douleur passée dans cette mise à mort. Ne pas réfléchir, simplement agir. C'était loin des fins sanglantes qu'elle avait pu imaginer, tellement plus sobre, tellement... commun. Khyrra se pencha vers sa proie, il n'y avait aucune pitié, aucun pardon en elle, uniquement le désir de tuer, elle en tremblait d'excitation, de joie anticipée.

- Tu aimerais mourir en martyre n'est-ce pas? Tué par celle que tu aimes, en héro incompris, le valeureux iop prêt à donner sa vie pour une femme sans coeur? Toi la brute épaisse sans cervelle, tu espères que je vais te donner ta rédemption?

Sa voix était basse, grondante, chargée de colère, transpirante de ressentiment à l'égard de cet homme en qui elle avait eu autrefois confiance. Les images de son passé commun défilaient tandis qu'elle accentuait de plus en plus sa pression, le malheur venant noyer les quelques années de bonheur qu'avait été le début de leur relation. Les combats partagés, ou opposés, les coups en traître, la malveillance de chacun, le désir de vengeance. Tout se mélangeait pour arriver aux dernières heures, sur la plaine, lorsqu'elle avait choisi de se sacrifier face à la pluie de flèches. Et cette simple rémanescence fut plus efficace que toutes les supplications du monde. Pourquoi? Pourquoi avoir sauvé Eorh à cet instant si c'était pour l'achever maintenant?

- T'es-tu pardonné de ce que j'ai enduré par ta faute? Les blessures morales ne cicatrisent jamais totalement et j'en ai une en moi qui pleure un sang empoisonné depuis tout ce temps. Tu peux peut-être passer l'éponge, mais moi, jamais, non jamais, tu n'obtiendras mon absolution!

Subitement, elle relâcha son emprise et s'écarta, avec un dernier regard lourd de sous-entendus. Elle descendit du lit et mis le plus de distance possible entre eux deux, laissa la haine se dissoudre peu à peu dans ses propres interrogations. Pourquoi?

 

Eorh reprit son souffle, et se leva, tournant le dos à Khyrra, en faisant le moins de bruit possible. Il savait en effet que le moindre murmure aurait été une louche d'alcool sur les braises de la haine de la sacrieuse. Il se contenta de se masser la gorge, là où Khyrra l'avait serré comme une furie. Il prit la parole quelques secondes plus tard.

- Tu gardes jalousement pour toi la teneur de ces blessures, tu sembles vouloir les garder a tout prix. Alors, si tu veux que tes blessures cessent de saigner, cautérisons-les. Parle franchement, que me reproches tu exactement ?

Il s'assit en tailleur sur le lit, jamais Khyrra n'avait exprimé clairement ses peines. Elle se contentait, a son habitude, de cracher son venin en préservant bien la cause de sa haine. De cette façon elle avait pu utiliser Eorh à sa guise pour lui reprocher tout ce qui passait. Seulement voila, le Iop en avait cure, et il comptait bien mettre tout sur le tapis. Il avait aimé la sacrieuse des mois, jusqu'à rencontrer Ssyler, et après sa mort, il se rendit compte que ça n'avait pas cessé. Et le jeu habituel de khyrra pour se faire victimiser avait été subi des années durant par le Iop, et devrait cesser.

- Hurle, murmure, chuchote, parle normalement, tant que tu parles et que tu me dis en quoi exactement je t'ai fait du mal. Et, s'il te plait, ne m'attaque pas sur la forme de ma demande.

Le iop avait l'air sérieux, voire grave, et regardait la nuque de la sacrieuse, tandis que Cyric regardait, caché, des informations capitales sur le point de venir à lui.

 

Sur le coup, Khyrra se demanda si le iop se moquait d'elle : ce qu'elle lui reprochait? Etait-il à ce point décérébré comme tous ceux de son engeance pour ne pas l'avoir compris. Elle se retourna vivement, prête à passer outre ses réticences et à mettre un point définitivement final à cette relation empoisonnée. Mais ce qu'elle vit dans les yeux de son compagnon lui fit comprendre qu'il était sincère. La sacrieuse soupira et se détendit, le iop était irrécupérable, il n'y avait réellement rien à faire de ce côté.

- T'es vraiment aussi con que tu en as l'air...

"On n'est pas couché à ce rythme là... Comment ais-je pu m'amouracher d'un type pareil? Je devais être aveugle..."

Elle s'adossa au mur et fixa Eorh pendant de longues minutes, silencieuse.

- Je vais donc rafraîchir ta mémoire de kralamour... Souviens-toi des quelques mois avant notre séparation, toutes ces mesquineries, ces coups bas. Tes crises de colère incohérentes et sans raison, ta volonté de détruire tout ce qui nous entourait. Les mots font plus mal que les coups, et les silences entourant des actes répréhensibles sont encore pires. Et puis il y a eu Theodred. Cette enfant, j'aurais pu l'aimer s'il n'avait été à moitié iop et s'il ne s'accrochait obstinément à cette part immonde. Son sang est impur et c'est une grande honte pour ma lignée. Mais ça, tu ne peux pas le comprendre...

Un autre silence s'imposa, Khyrra laissait le guerrier digérer ces paroles.

- Pourtant, il aurait simplement suffi qu'il renie cet héritage. Mais toi, toi l'obstiné sûr de ta force et de ta violence, tu as détruit tout espoir. Par ta faute et ton exemple, il restera à jamais ce bâtard, déchiré entre deux divinités. Mais cela, j'aurai pu l'accepter, faire avec, si tu ne l'avais enlevé et TUE! Tellement préoccupé par ta petite vie, tu as laissé ton fils se faire massacrer et devenir ce... cette... CHOSE! Ni mort, ni vivant! Mais ça non plus, tu ne peux pas le comprendre, tu n'es pas un sacrieur, c'est au dessus de toi. Et comme si cela n'avait pas suffi, tu n'as eu cure que de le dresser contre moi, contre Tayuuya, contre tous ceux qui m'étaient chers. Tu en as fait une machine à tuer, à ton image. Tu peux dire tout ce que tu veux sur mon compte, mais tu es 100 fois pire que moi. Et Theo nous bat tous les deux à plate couture dans le domaine de l'horreur bestiale. Es-tu satisfait de ton... "travail"? Tu as tué mon fils, voila ce que je te reproche plus que tout, plus que d'avoir brisé ma vie il y a longtemps...

Quelques larmes coulaient sur son visage, elle les essuya furtivement, comme si elle ne voulait pas laisser transparaître sa peine, cette faiblesse, autrement que par la haine.

- D'ailleurs, où est-il, le gosse? Maintenant qu'il nous a sauvé, il va falloir qu'il s'explique un peu...

- C'est bien ce que je pensais, hélas. Nous n'avons pas la même vision de ce qui s'est passé.

Des années de rancœur allaient se déverser, enfin, elles n'avaient jamais pu sortir, parce que le temps ne s'y prêtait pas.

- Hum... T'as jamais réfléchi au fait que tu pouvais avoir tort ? Et que ta version n'était pas celle qui triomphait, voir le contraire ? Moi j'ai plutôt souvenir de toi, ambitieuse et intéressée, qui m'a sacrifié sur l'autel de ton ambition effrénée. Après, quand j'ai commencé à me rebeller, tu m'as poignardé dans le dos, et tout s'est enchaîné. Pour Theodred... c'est facile de m’en vouloir, quand on a rien foutu. Il a choisi sa divinité, au cas ou tu serais trop bête pour regarder plus loin que ce que tu veux voir. Tu n'as toujours regardé que toi ! Tu es la victime ! Ce sont les autres qui t'ont empêche de mener tes actes a bien chez les Erinyes, c'était ton temps que tu investissais. Redescends sur terre pauvre folle ! Tu n'as jamais rien fait de tout cela, et tu n'es pas le centre du monde, et encore moins quelqu'un de bon ! Tu es mauvaise ! Bouchère, Manipulatrice et Traitresse sans nom. Toujours à me déconsidérer pour une raison partagée qui date d'avant le déluge ! T'es-tu jamais pardonnée du mal que tu m'as fait toi ?

Il marqua une pause, le temps de continuer à déverser des vérités gênantes. Pendant ce temps, Cyric se laissa glisser sans bruit, depuis son alcôve jusqu'à un coin de mur. Il était plus que sur le point de commettre quelque chose de très grave. Il bondit derrière Khyrra, tirant son menton vers le haut et appliquant de toutes ses forces une lame sur sa carotide. Il serrait si fort que le sang commençait à perler quelque peu, et tremblait de rage.

-
Alors ? De qui je tiens cette méthode ? C'est franc comme combat ??? Non, c'est lâche ! Lâche comme toi !

Il pleurait des larmes rouges et retenait des râles de rage, mêlée de désespoir. Sa main et sa lame ne bougèrent pas d'un pouce.

- J'ai choisi ta voie pour te plaire. J'ai fait tous les sacrifices pour te plaire. Et tu m'as toujours détesté ? Qu'est ce que je dois faire ? Te trancher la gorge histoire que tes mensonges se noient en gargouillis sanglants et doucement mélodieux quand à la vie immonde qui se finira. N'essaie pas de bouger sinon je te trancherai la gorge avant mémé de t'expliquer pourquoi tu vas mourir. Tu m'as abandonné ! Tu m'as laissé seul dans la mouise ! C'est de ta faute si je suis mort ! Je te cherchais alors que tu devais parader à Brakmar ! J'ai tenté de te tuer, ainsi que ta sœur parce que mon existence ne ta jamais intéresse, c'était le seul moyen pour entrer dans ta vie. Je ne suis pas iop, je ne l'ai jamais été. Je me suis inspiré de toi, pour tout, je suis devenu plus sanguinaire que toi. Alors, crois moi, l'un de nous deux va mourir. C'est ta phrase fétiche, quand quelqu'un te plait pas non ?

Il donna un coup de genoux dans les reins de sa mère, pour montrer qu'il était déterminé.

-
J'ai toujours essayé d'être parfait. Mais comme tu n'as pas voulu de moi, ma quête était vaine. Il a fait de très mauvaises choses, mais tu as fait pire ! Je considère, personnellement, c'est moi qui en suis le sujet, que c'est TOI qui m’as abandonné ! Sans cœur ! Je vous tuerai ! Tous les deux !

Eorh n'en croyait pas ses yeux. Il résista a l'envie de provoquer Cyric pour qu'il le débarrasse de Khyrra qui avait réveille son instinct de tueur.

- Lâche-la, Theo. N'aggrave pas sa haine pour toi...

 

- Il n'y a rien à regretter, rien à pardonner. J'ai agi en pleine connaissance de cause et pour le mieux sur le moment. Dans mon intérêt certes, mais je n'allais pas une fois de plus me sacrifier pour qui que ce soit.

Khyrra ferma les yeux, mais elle souriait, fidèle à sa réputation de cinglée insaisissable. Mourir de la main de son propre fils... Ca lui plaisait assez en fait, conforme à l'image qu'elle se faisait d'elle même. Après tout, n'était-ce pas plus "chic" que de se faire embrocher par un illustre inconnu ou massacrer par un monstre aussi puissant soit-il?

- Theodred, ou Cyric, comme il te plaira. Je t'ai aimé, à ma manière, aussi inhumaine soit-elle à tes yeux. Lorsque tu es né, j'étais trop jeune pour avoir seulement l'envie de t'assumer en plus de ma soeur et de ton père. Pourtant je l'ai fait. Jusqu'à ce que ton père t'emporte. Je ne peux le nier, ce fut un soulagement. J'aurais aimé que cela se passe autrement, mais on ne change pas le passé. La perfection n'existe pas, vouloir l'atteindre est prétentieux, et ce d'autant plus si tu le fais pour briller aux yeux d'un autre. C'est seulement pitoyable et vain.

Elle attendait le moment où la lame déchirerait sa peau pour de bon. Pendant quelques secondes, elle ne put s'empêcher d'échafauder un énième plan, non pas pour se sauver, elle y avait renoncé, mais bien pour emmener un maximum de personne dans la tombe avec elle. Elle frémit. Ce serait si simple de saisir la main de son fils et de forcer son geste, savourer la douleur un instant avant de lancer ses dernières force pour transposer le iop et que la dague fasse aussi son office sur lui. Ainsi, il n'y aurait plus de conflit... D'ailleurs, elle commençait à trouver le temps long...

- Si tu veux réellement ma mort, fais-le, je ne t'en empêcherais pas. Et tu contenteras une bonne partie de la population du Monde des Douze.

 

- Je vais te montrer ce que tu m'as appris. Je vais te montrer ce que tu es vraiment. Suis moi dans l'ombre éternelle !

Cyric, maintenant la pression de sa lame, mordit kyrra au niveau de l'épaule et absorba le sang contenu dans les vaisseaux de la sacrieuse. Eorh ne bougeait pas, il se sentait trahi, il avait été fidèle chez les Erinyes, par respect d'une amitié qui n'avait jamais existé dans les faits. Sa colère n'avait jamais atteint tel paroxysme. A tel point qu'elle s'était muée en un vide des plus cruels. Khyrra la manipulatrice avait fait son œuvre, et elle avait gagné. Eorh n'était plus rien. Cyric se repaissait du sang de sa mère, et ne lui laissa que le minimum vital. Il la mit a terre et s'assit sur son torse.

- Tu trouves pas que y'a un air de ressemblance ? Cette lueur de tuerie dans le regard, ce coté hautain quand tu domines ton ennemi, mais c'est ce que j'ai appris de toi et de ma chère tante. Vous avez mal compris votre dogme et la puissance vous a grillé le cerveau !

Il la regarda avec le regard le plus carnassier qu'il soit. Cet air de domination si empli d'un sadisme sans borne était si habituel chez la sacrieuse, et si rare chez d'autres personnes.

-
Je crois qu'au début de mon existence en tant que sacrieur vampire, je voulais faire le bien autour de moi. Réconcilier les conflits entre toi et lui, par exemple, mais cela n'a pas été possible pour deux raisons : on m'en a empêche, et aussi parce qu'en voyant vos comportements de connards finis, je crois que j'ai abdiqué. A force de frapper des gens a terre, tes chevilles et ta tête ont enflées de façon gargantuesques, je vais te mettre le nez dans ta merde, ma mère. Ce ne sera, évidemment, pas moi qui t'aurai maudit, mais un coupable que je te laisse le soin d'inventer.

Il s'entailla une veine, maintenant son emprise sur sa mère.

-
Une chose à dire avant de devenir la vampire Khyrra ? L'abomination nouvelle de ce monde ?

 

En voyant Theo s’ouvrir le poignet et le sang noir maudit couler de la plaie, Khyrra comprit qu’elle avait été un peu trop loin dans la provocation. Et s’il y avait bien une chose qui lui faisait plus peur que quoi que ce soit au monde, c’était bien de devenir le genre de créature qu’était son fils. Mourir passait encore, elle pouvait s’y faire, mais devenir un buveur de sang, ça non. Mais à cet instant précis, la mort lui semblait infiniment préférable à ce que prévoyait de faire son sacrieur de fils.

- Theo, je sais que je t’ai fait du mal, mais faire ça n’arrangera rien…

Elle cherchait à accrocher le regard de son fils, mais tout ce qu’elle put y voir, c’était une colère et une envie brutale de détruire. Et cette fois, elle eut réellement peur. Il n’hésiterait pas à la transformer, simplement parce que c’était ce qu’elle redoutait et haïssait le plus au monde. Parce qu’il en avait le pouvoir et que pour la première fois dans sa vie, il la dominait et qu’elle ne pourrait pas l’en empêcher. Mais rapidement, la peur cédait la place à la panique, la terreur d’une petite fille face à l’inconnu qu’elle ne comprend pas et qu’elle a appris dès son plus jeune age à craindre et à haïr. Malgré tout, elle tenta de se débattre faiblement, sans grand espoir.

- Que tu veuilles te venger, me tuer, je le comprends parfaitement. Mais je t’en prie, ne me fais pas subir ça… Je regrette ce que j’ai pu te faire, te dire. J’aimerais ne pas t’avoir abandonné.

 

- Et tu le penses vraiment ? Ou dès que je t'aurai épargné tu te relèveras, et tu clameras d'une voix aiguë d'envie de vengeance un sublime "tu es idiot de croire un serment, jamais je ne renierai le dogme de sacrieur, meurs sale engeance"

Cyric tremblait de rage, il avait déjà eu a faire aux serments pour tromper l'ennemi. Autrefois, Khyrra avait fait le même serment, et elle avait tenté d'assassiner Theodred de toutes façons, lâchement, d'une punition alors qu'il se trouvait dans ses bras.

- Jure, sur le dogme Sacrieur, sur ton honneur, sur ton passé. Jure d'être déchu de tout honneur, d'être pire que moi ! Devant la déesse. Et surtout, je veux que tu dises que jamais tu n'as agi dans mon intérêt en voulant me tuer !

Cyric colla son visage devant celui de la sacrieuse, et lui hurla, dans un air plus que dérangé, en avançant son poignet dégoulinant du sang noir d'encre, maudit par nature, de la bouche de Khyrra.

- TU NE SERVAIS QUE TOI MEME ! TU VOULAIS TE DEBARASSER DE MOI ! JAMAIS ME TUER N'APPORTERAIT MON REPOS !

Eorh se leva soudain, et écarta les deux sacrieurs avec force. Il ne dit mot, mais Theodred sembla se calmer. Il ne se dégagea que mollement de la pression d'Eorh qui le retint en arriere. Il tourna en rond, quelques secondes.

- M'as tu vraiment aimé maman ? Dis au moins la vérité... Et ne me parle pas de mon état, tu ne suis pas le dogme a la lettre non plus...

Theodred baissa la tête.

 

Lorsque le iop les sépara, la sacrieuse retomba lourdement sur le sol, choquée comme jamais. Elle n’était pas passée loin de ce qu’elle considérait comme la plus cauchemardesque des abominations qui pouvaient lui arriver, et ce, des mains de son propre fils. A cet instant, l’image du petit garçon qu’elle gardait au fond de son cœur se brisa définitivement et elle perdit ses illusions. Rien ne changerait jamais, il allait lui falloir accepter la situation de Theo et admettre que jusqu’à présent, elle n’avait rien fait pour arranger les choses, à part poursuivre un rêve inaccessible.

Elle avait eu tord, à vouloir poursuivre une vengeance inutile, que ce soit pour Eorhlinghas ou Theodred. Qu’y avait-elle, à part une haine jamais satisfaite ? On raconte que dans les derniers instants d’une vie, le mourrant voit défiler les meilleurs instants de son existence devant lui. Khyrra elle, avait surtout revécu les pires, et elle dut reconnaître que sa vie était loin d’être joyeuse.

En se redressant avec peine, elle put contempler les deux hommes, silencieux, qui la fixait avec un air indéchiffrable. Sentant de l’humidité sur son visage, elle se rendit seulement compte qu’elle pleurait, des larmes sincères trop longtemps retenues.

- Je n’ais jamais été une bonne mère, ni même acceptable, et je ne le serais probablement jamais. Je ne sais que prendre ou imposer, pas partager…

Elle détourna le regard et se laissa glisser sur la pierre froide du sol.

- Tu as raison Theo, je n’ais fait qu’être égoïste depuis tout ce temps, ça n’a jamais tant été pour ton bien que parce que te savoir en « vie » me posait problème. Tu aurais dû me laisser dans la forêt…

 

Le sang de sa mère provoqua chez Cyric une véritable euphorie. Tant de souvenir affluaient dans son esprit. En effet, la mémoire était écrite dans le sang et le passage d'un corps a l'autre sous entendait le passage des souvenirs. Cet afflux de connaissances grisa le sacrieur, trop occuper a se délecter du plaisir de cet afflux pour visualiser les détails, sauf un seul, qui le frappa plus que tout. Celle d'une petite fille, plus aimée que lui, ainsi donc, Khyrra avait une fille de sang pur. La jalousie lui monta au nez, avec une retenue plus qu'incroyable, il se garda de toute réaction, mais promit intérieurement de tuer cet être incroyable qui avait osé braver l'interdit et lui prendre un privilège qui lui revenait de droit. Il ne parvint cependant pas a se contrôler totalement.

- J'accepte tes excuses, si elles sont sincères. Dans ce cas, je serai un allié précieux, un œil immortel, et un fils des plus modèles. Mais si tu me fais comme la dernière fois, je serai une éternelle épine de la taille d'un orme dans ton pied, et je te ferai du mal au plus profond de toi.

Il fit boire une potion de soin intensifs, très amère, mais efficace.

- Tu as l'air sincère, j'ai bien fait de te sauver. Aucun fils digne de ce nom ne laisserait mourir ses deux parents. Même si la vision de sa mère du dogme sacrieur est une hérésie a ses yeux.

Il s'assit au sol, s'adossant au mur et lâchant ses dagues. Il ferma les yeux un instant et les posa tour a tour sur la sacrieuse a terre et le Iop, debout et silencieux. Ce dernier cachait bien son jeu, sous ses dehors de grosse brute, il était un grand magicien.

- Comme quoi, les apparences... posez moi toutes vos questions. J'y répondrai avec le plus grand sérieux.

 

- Je suis sincère Theo, bien plus que je ne l'ai jamais été...

La sacrieuse avala avala la potion en grimaçant, acceptant l'amertume avec une pointe de satisfaction. C’était bien peu cher payé... Allongée sur le flanc, elle laissa le liquide sirupeux faire son office, abattue et les traits tirés, moins par la fatigue que d'avoir dû reconnaître ses tords. Elles étaient loin son arrogance et sa morgue naturelle, de la guerrière sûre d'elle de la nuit passée, il ne restait qu'une femme en détresse.

En cet instant, son corps prostré et meurtri, son regard fuyant, le timbre de sa voix, tout en elle n'indiquait qu'une chose : quitter cet endroit maudit au plus vite et rentrer chez elle pour panser ses plaies, en paix, et sans personne pour la juger. Mais auparavant, son devoir envers le clan et un restant de rancune lui imposait d'aller au bout des choses. Khyrra releva la tête et scruta ton fils, qui attendait ses questions et semblait apprécier ce maigre pouvoir qu'il avait sur la sacrieuse.

- Puisque tu es si bien renseigné, qui a voulu cette attaque et surtout pourquoi? Pourquoi monter un tel piège, alors qu'il aurait été plus simple d'envoyer des assassins à nos trousses?

 

- Je ne sais pas son nom. Je n'avais pas accès au dossier complet, juste à l'ordre de mission. En fait, suite à un renseignement d'un gros bonnet de la cour d'Allister, Bonta a sorti la grosse artillerie. Ahanselm et sa troupe de fanatiques ont été dépêchés contre toi. Ils n'avaient jusque la jamais connu l'échec. Et pour cause, ils y vont toujours par dizaines.

Theodred imita les flux et reflux d'une mer déchaînée pour expliquer le principe d'une personne qu'il avait autrefois côtoyée, mais qui s'était murée.

-
Ahanselm est un tueur né, et un décérébré au dernier point. C'était un gars sympa avant... qu'il ne prenne du grade. Et visiblement, ses supérieurs vous ont suffisamment diabolisé pour qu'il se mette en tête que tu étais la pire chose que Bonta ait connu dans son histoire. Alors, au lieu d'y aller par vagues de quatre ou cinq, tu as eu le droit à une grosse partie de la garnison, avec lui même en tête.

Il sortit d'une de ses poches un document officiel taché de sang, relatant des comptes, montrant également une dépense extravagante, de quoi faire aisément tomber Astrub.

- L'équipement de ses sbires a été financés par... Fallanster. Autrement dit, quelqu'un de ton entourage t'a vendu à la couronne, qui s'est lavé les mains de vous à la main inquisitrice d'Ahanselm. Lequel n'aura pas de repos tant qu'il n'aura pas lui même brûlé ton corps.

 

Khyrra écouta son fils attentivement, ses traits se fermant au fur et à mesure que les mauvaises nouvelles s’amoncelaient. A la fin de la litanie, elle prit de longues minutes pour digérer les informations et y trouver une logique propre.

- C’est… impossible ! C’est trop énorme ! Pourquoi vouloir se débarrasser de moi ? J’ai sorti le clan de l’ombre, lui ait donné une sécurité de l’emploi, tout en conservant les traditions…

Ses yeux s’agrandirent lorsqu’elle compris.

- Parce que justement, je suis trop attachée à ces traditions… Je gène en empêchant que les Erinyes ne deviennent que de simples, bons et dévoués gardes… Oh Sacrieur ! J’ai fait la pire connerie de mon existence… Et maintenant, la nouvelle de ma mort doit déjà avoir traversé le pays. Et je soupçonne pas mal de monde de m’avoir déjà enterrée et remplacée sans attendre de confirmation…

Abattue, la sacrieuse ne savait plus par quel bout commencer.

- Theo, ce Ahanselm, tu le connais bien ?

 

- Ahanselm est une légende de fanatisme. Ce type a juré fidélité à Bonta à chaque fête de commémoration des grandes batailles. Il est diplômé de l'académie de Bonta. Bref, c'est un Cador.

Il sortit un dossier marqué du sceau de Bonta.

- Sais-tu que les orphelins font de parfaites chairs à canon ? On leur annonce un bouc émissaire en inventant deux trois preuves et ils foncent en prenant juste une arme. Ahansem est la quintessence de ce phénomène. L'esprit de vengeance poussé au maximum. Un complot géant, on choppe un enfant un peu doué, on fait de lui une machine a tuer. Il apprend en académie tout ce que la magie de son dieu sait faire, on lui donne accès à tous les plus grands parchemins de puissance et on l'entraîne jour et nuit a toutes les armes connues. Puis, chaque mois, il a le droit de voir ses parents dans de courtes visites dégoulinantes d'un bonheur artificiel suppurant d'hypocrisie. Puis on lui dit que ses parents si parfaits sont morts tragiquement tués par tout Brakmar. Alors il s'entraîne, déchaînant toutes ses forces a une vengeance sanglante. Lorsqu'il sort, on a un guerrier des plus puissants, et des plus cons dévoués tout entier à Bonta...

Cyric se mit à sourire et mit une lettre sous le nez de sa mère et de son père. Ce message indiquait que les deux plus hauts gradés de l'ordre de l'œil attentif, tel était le nom des services de renseignements et d'action directe bontariens ayant lancé le projet Ahanselm n'étaient autres que les deux parents de ce dernier.

La manipulation est un art prisé dirait-on. Ahanselm est ce que Bonta a fait de mieux. Je ne dis pas qu'il est le plus puissant, juste qu'il est a cent pour cent pour Bonta. Et si tu es son ennemie, et qu'il t'a terrassée, alors ta mort doit déjà s'être fait être jusqu'a Moon.

 

- Je ne sers plus Brakmar, pourquoi avoir fait de moi son ennemie? Enfin, je sais bien qu'en politique, tout est possible, mais ma réputation est plutôt d'être un électron libre au service d'Amakna, service payant mais service tout de même, alors, pourquoi me prend-t-il pour une brakmarienne?

La sacrieuse soupira. Des aventures de jeunesse, idiotes, uniquement portées par une quête de puissance et de vengeance vaine et futile. Elle pensait avoir rompu avec cela, en quittant le iop ici présent et en s'engageant comme mercenaire, mais tout le monde ne semblait pas avoir la même faculté d'oubli.

- Ca n'est même plus la peine que je tente de reprendre ma place. Dès que je sortirais de l'ombre, je peux être certaine qu'une dague viendra me trancher la gorge au premier tournant. Et je ne suis pas et ne serais pas en état de me battre avant longtemps...

Khyrra était au bord du découragement. A quoi bon poursuivre, elle avait tout perdu en quelques heures : son équipement, son armement, sa monture, ses familiers, son rang, son prestige, sa vie. Elle avait proprement disparu.

- Que vais-je faire? Que dois-je faire? A qui me fier? Je...

 

- Vous pouvez rester ici autant que vous voulez. Tu peux toujours compter sur moi tu sais maman. Les liens du sang ne s'oublient jamais...

Il se leva, laissant ses dossiers.

- J'en ai d'autres, laisse moi aller les chercher.

Il sortit, s'enfonçant dans les couloirs sombres, et, de rage, frappa violemment l'une des parois en marbre. Il songeait a ce qu'il allait faire a cette petite catin venue lui voler son statut. Elle n'avait pas eu à se battre, pas eu à devenir une morte-vivante pour gagner un statut aux yeux de Khyrra. Il essaya de se calmer en vain, et partit dans sa bibliothèque pour calmer sa haine.

- Si je t'aide et je te soutiens, tu me soutiendras aussi ?

Eorh avait repris la parole, silencieux comme une tombe depuis quelques minutes, il avait profité du départ de son fils pour parler sérieusement avec Khyrra.

- Je ne t'ai pas aidée chez les Erinyes par respect hiérarchique ou par conviction politique. Je l'ai fait parce que tu étais mon amie. Nous avons vécu de bons moments, nous en avons vécu de mauvais, mais nous les avons vécus. Je mets devant toi mon aide, ma fidélité et mes connaissances, empaquetés dans ma solide amitié. En échange j'attends de toi la même chose.

En attendant une réponse de la sacrieuse quand a la continuation, ou la fin de leur collaboration, Eorh parla vaguement

- J'me demande ce qu'il s'est passé à la maison.

 

Khyrra sourit, mais sans joie, juste un sourire forcé par une perspective guère réjouissante bien que certaine. Comme toute organisation aux activités plus ou moins à la limite de la loi, comme tout groupe composé d’individus aux objectifs pas forcément cohérents ni jointifs, les Erinyes se comporteraient de façon trop prévisible à l’annonce de la disparition de leur chef : une guerre de pouvoir ouverte jusqu’à ce que quelqu’un s’impose par la force, la manipulation ou l’argent. Voir les trois. Enfin, du moins si on leur en laissait la possibilité. La sacrieuse craignait fort que ce ne soir une force extérieur qui ne s’impose ou que le clan ne disparaisse à jamais.

- Ne te poses pas la question, tu connais pertinemment la réponse. Certains seront ravis de ma mort, d’autres partiront, d’autres se tairont pour passer entre les gouttes. Nous ne sommes pas des saints et tous n’ont pas ta loyauté…

Cela lui en coûtait tout de même un peu de le reconnaître, c’était comme avouer qu’elle lui faisait confiance. Enfin autant que l’on puisse faire confiance à un iop… Pendant tout ce temps, elle réfléchissait à toute allure.

- Ca n’est même pas la peine que je me pointe à Astrub dans cet état. Je risquerais fort de ne pas survivre ma première nuit dans la ville… Je vais m’arranger pour y envoyer un espion et suivre ça de loin. Mais vu les preuves fournies par le gamin, je n’ai guère d’espoir que cela finisse bien pour nous et pour le clan. Au mieux pourrons-nous sauver quelque chose du naufrage…

 

- C'est désespéré. Récupérons ce qu'on peut, niveau argent et meubles, et cassons-nous. Une fois qu'on aura bien récupéré, on règlera la note de façon sanglante un bon coup. Et on tournera la page, comme on l'a fait de tas de choses.

Eorh mit la main sur l'épaule de la sacrieuse. Il tremblait légèrement, nul ne peut savoir si c'était l'age, l'addiction au chanvre, ou l'excitation qui causait ce tremblement.

-
Attendons le retour de notre fils, après nous verrons pour quoi faire. Tu as un plan ? Un projet ? Une planque ? Une...


- Des projets pas vraiment... Je me suis faite avoir comme un bleu sur cette affaire, franchement, je ne pensais pas que le poignard viendrait si vite... La soif de pouvoir corrompt tout...

Certes, elle n'était pas très bien placée pour en parler ainsi. La sacrieuse soupira, elle sentait la fatigue revenir et son attention se disperser.

- Je vais déjà commencer par disparaître totalement, changé mes habitudes, me débarrasser de la maison à Sufokia...

Ce dernier point lui provoqua un pincement au coeur : ce simple bâtiment avait abrité tant de souvenirs, qu'ils soient heureux ou terribles, mais il restait comme une ancre à laquelle se rattachait Khyrra depuis qu'elle l'avait acquis.

- Comme planque, il me reste la maison de mes parents, peu de gens sont au courant, et je vais m'exiler sur Otomai, cette île permet de se faire oublier assez facilement, quitte à se perdre au fond de la jungle... Mais surtout, il y a des choses à faire à Astrub, pendant que tout est encore relativement désorganisé. J'ai juré de protéger la mémoire d'Erinyes, je ne laisserais pas ces enflures tout corrompre, même si pour cela, il faut que le clan disparaisse!

Ses yeux n'étrécirent de colère contenue.

- Mais avant tout, il nous faut du repos, je ne sais pas pour toi, mais, moi...

Cyric avait activé au loin la diffusion dans la pièce de spores endormantes afin que les deux guerriers récupèrent et soient déposés loin d'ici, il en avait trop su. Eorh et Khyrra tombèrent comme une masse. Cyric entra, respirant sans problème les spores dans l'air. Il regarda ses deux parents dormir et attendit que la lune se soit levée haut dans le ciel et mit les deux guerriers endormis sur une charrette.

"Ou vais-je déposer ces deux la ?"

La charrette partit du cimetière de Brakmar et roula quelque peu dans les landes de Sidimote. La Bête en Cyric éloignant les mauvaises rencontres, elle ne tarda pas à disparaître dans un zaap.

-
Vous ne courrez aucun risque ici.

Il déposa les deux corps endormis au temple xelor puis disparut dans la nuit, de laquelle pointait une aube lointaine. Deux corps qui avaient subi les affres du devoir et qui n'en avaient peut être pas fini d'en payer le prix.

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